
Le 27 septembre 2019 aura lieu la Nuit européenne des chercheureuses. À cette occasion, nous vous présentons des femmes scientifiques méconnues.
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Maryam Mirzakhani était une mathématicienne iranienne très talentueuse, née deux ans avant la révolution de 1979, lauréate de la médaille Fields en 2014 et morte d’un cancer du sein à 40 ans.
Elle obtient en 2004 son doctorat de mathématiques à Harvard. Son directeur de thèse, Curtis McMullen, lauréat de la médaille Fields en 1998, parle d’un chef-d’œuvre ; en effet, elle résout là deux problèmes majeurs des mathématiques, non résolus depuis des siècles, tout en les reliant. L’American Mathematical Society lui remet en 2009 un prix pour cette même thèse. Elle est également nommée en 2008, à seulement 31 ans, professeure de mathématiques à Stanford, prestigieuse université étasunienne.
Le 13 août 2014, elle reçoit la médaille Fields, une des plus grandes distinctions en mathématiques, ce qui fait d’elle la première et (à l’heure actuelle) seule femme, mais aussi læ premier·e iranien·ne et læ premier·e musulman·e à recevoir ce prix ! À cette occasion, le président iranien Hassan Rouhani publie un tweet comportant deux photos d’elle, l’une où elle porte le voile et l’autre sans couvre-chef (elle ne portait plus de voile depuis des années), ce qui fait également d’elle la première femme à être montrée tête nue dans les médias iraniens.
Ses travaux, quoique hautement théoriques, ont également des applications pratiques dans les domaines de la physique (ils sont notamment utiles pour la recherche sur le Big Bang), des sciences de l’ingénierie et des matériaux et de la cryptographie. La Mirzakhani Society est fondée en 2014 par des étudiant·es de l’Université d’Oxford. Maryam Mirzakhani rend visite en 2015 à cette société consacrée aux étudiant·es femmes et non-binaires en mathématiques dans cette même université.
Son travail et celui de son collaborateur Alex Eskin viennent d’être annoncés comme le Breakthrough Prize en mathématiques de 2020. Malheureusement, ce prix ne récompensant que des personnes vivantes, Eskin sera seul lauréat.
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Harriet Brooks, parfois surnommée « la Marie Curie québécoise », était une physicienne nucléaire qui a découvert le radon (un gaz radioactif) et le phénomène de radioactivité induite, et a proposé l’hypothèse que le thorium provient de plusieurs transmutations successives de l’uranium. Ce principe est aujourd’hui utilisé notamment dans le cadre de la datation par l'uranium-thorium.
Elle obtient en 1898 son baccalauréat en mathématiques et en philosophie de la nature à l’Université McGill et commence ses recherches sous la direction d’Ernest Rutherford (qui sera lauréat du Prix Nobel de chimie en 1908) sur la radioactivité du thorium, mise en évidence la même année par Marie Curie et Gerhard Carl Schmidt (indépendamment l’un·e de l’autre). En 1901, elle découvre le radon, gaz radioactif émanant du thorium, et devient la première diplômée en physique nucléaire à la maîtrise du Canada.
Une bourse lui permet de poursuivre ses recherches sur le radon au laboratoire Cavendish de Cambridge, en Angleterre, sous la direction de Joseph John Thomson (qui sera lauréat du Prix Nobel de chimie en 1906). Elle devient ainsi la première femme à travailler dans ce laboratoire, mais Thomson, trop plongé dans ses propres recherches, ne lui accorde que peu d’attention. De retour à McGill, elle met en évidence le phénomène de radioactivité induite. Le collège Barnard affilié à l’Université Columbia à New York lui offre en 1904 une place de tutrice de physique, mais elle est forcé de choisir entre démissionner ou rompre ses vœux de fiançailles deux ans plus tard, malgré le soutien de Margaret Maltby, cheffe du département de la physique du collège.
« I think it is a duty I owe to my profession and to my sex to show that a woman has a right to the practice of her profession and cannot be condemned to abandon it merely because she marries. I cannot conceive how women's colleges, inviting and encouraging women to enter professions can be justly founded or maintained denying such a principle. »
(« Je pense que c'est un devoir que je dois à ma profession et mon sexe de montrer qu'une femme a le droit à la pratique de sa profession et ne peut être condamnée à abandonner celle-ci simplement parce qu'elle se marie. Je ne peux pas concevoir comment les collèges de femmes, invitant et encourageant les femmes à entrer dans ces professions peuvent être à juste titre fondés de nier un tel principe. ») [1]
Elle décide de quitter son fiancé et ira travailler à Paris avec Marie Curie (qui sera lauréate des Prix Nobel de physique en 1903 et de chimie en 1911), à l’Institut du radium. Elle abandonne finalement sa carrière en 1907, la même année que son mariage, pour des raisons non-explicitées, mais continue toutefois à œuvrer dans des organisations de femmes universitaires. Elle meurt d’une (probable) leucémie causée par les radiations, à l’instar de Marie Curie.
Harriet Brooks est peu connue de nos jours, notamment parce certaines de ses recherches n’ont pas été publiées sous son nom, mais aussi parce que la « gloire » de ses découvertes est souvent revenue à ses collaborateurs masculins, jouissant d’une plus grande notoriété. Toutefois, pour Rutherford, « Harriet Brooks est la physicienne la plus célèbre dans le domaine de la radioactivité, après Marie Curie » [2]
.
Nommé ainsi en référence à la militante féministe américaine du XIXe siècle Matilda Joslyn Gage, l’effet Matilda désigne l’attribution très régulière voire systématique de contributions scientifiques de chercheuses à leurs collègues masculins. Vous pouvez voir plusieurs exemples parmi les portraits de cet article.
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Sau Lan Wu est une physicienne des particules hongkongaise qui a contribué à la découverte des particules appelées quarks et gluons et du boson de Higgs.
Elle étudie la physique au Vassar College puis à l’Université Harvard, où elle soutient sa thèse de doctorat en 1970. Elle mène des recherches au MIT, au DESY et à l'université du Wisconsin à Madison, où elle obtient un poste de professeure de physique. Depuis 1986, elle est une chercheuse invitée à diriger des recherches au CERN avec l’accélérateur de particules LHC, le plus grand construit de nos jours. Elle y participe à l’équipe ATLAS, chargée de chercher entre autres la particule nommée boson de Higgs.
Parmi ses contributions scientifiques figurent celles qui ont permis la découverte du méson J/Ψ en 1974, fournissant ainsi la preuve expérimentale de l'existence du quark charm et du gluon, deux particules prédites par le modèle standard de la physique. Le chef de l’équipe d’alors, Samuel C. C. Ting, reçoit deux ans plus tard le prix Nobel de physique en collaboration avec Burton Richter pour ces travaux.
Elle reçoit en 1995 le prix en hautes énergie et physique des particules de la Société européenne de physique.
La confirmation expérimentale du boson de Higgs a également valu un prix Nobel de physique à deux scientifiques, François Englert et Peter Higgs, en 2013. Ceux-ci sont des théoriciens des particules qui avaient postulé l'existence de cette particule.
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Ada E. Yonath est une biologiste moléculaire israélienne, co-lauréate du prix Nobel de chimie de 2009, faisant ainsi d’elle la première israélienne à gagner un prix Nobel, la première femme de cette partie du monde à gagner un prix Nobel en sciences et la première femme depuis 45 ans à gagner un prix Nobel de chimie. Comme Sau Lan Wu, elle a travaillé à un synchrotron, mais son travail se concentrait sur la cristallographie. La prix Nobel de 2009 récompensait ses travaux sur l'identification de la structure moléculaire du ribosome par cristallographie qui ont permis d'ouvrir « de nouvelles perspectives concernant l'élaboration de nouveaux antibiotiques »
selon le comité Nobel.
Elle étudie la biophysique à l'Université hébraïque de Jérusalem, et soutient sa thèse de doctorat en 1968 à l'Institut Weizmann, dans le domaine de la cristallographie. Après un travail post-doctoral au MIT, elle retourne en Israël en 1970 et y fonde le premier laboratoire de cristallographie du pays à l'Institut Weizmann. En parallèle, elle dirige pendant 17 ans une unité du Max Planck Institut à Hambourg en Allemagne.
Ses travaux sont couronnés d’un prix Nobel en 2009, elle est également nommée en 2014 membre ordinaire de l'Académie pontificale des sciences par le pape François.
TW : torture et abattage d’animaux sur ses pages Wikipedia
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Mary Temple Grandin est une pionnière du bien-être animal, autiste, et professeure de zootechnie et de sciences animales à l'université d'État du Colorado.
Sa renommée dans le domaine du bien-être animal est mondiale, elle s’engage dès les années 1980 pour améliorer les conditions d’élevage et d’abattage des animaux d’élevage, s’opposant notamment à l’élevage en batterie.
Première personne autiste à avoir publié des autobiographies pour y témoigner de sa vie (Ma vie d'autiste en 1986 et Penser en images en 1995), elle milite pour que l’autisme soit reconnu comme un handicap et non une maladie mentale. Elle insiste également sur le fait que l’autisme est un continuum et qu’elle n’est pas attachée aux étiquettes (« syndrome d'Asperger », « autisme de haut niveau », etc.). Elle a donné une conférence TED en 2011 : The world need all kinds of minds (Le monde a besoin de tous les types d’esprits).
Mary Temple Grandin émet des hypothèses rapprochant les perceptions des animaux de ceux des personnes autistes, notamment pour la sensibilité à l’environnement, en se basant sur ses observations des bovins et son expérience personnelle [3]. Ceci lui permet d’élaborer la « machine à câlin », appareil destiné à calmer les personnes hypersensibles.
En 2010, Mary Temple Grandin est nommée dans la catégorie « héro·ïnes » de la liste des 100 personnes les plus influentes de l’année par le Times [4]. La même année sort également un film semi-biographique, Temple Grandin, qui gagnera un Emmy et un Golden Globe. Mary Temple Grandin reçoit en 2015 la médaille du mérite de l’Organisation mondiale de la santé animale. Elle est depuis 2016 membre de l’Académie des arts et des sciences américaine, et est inclue en 2017 dans le National Women's Hall of Fame.
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Christiane Nüsslein-Volhard est une biologiste allemande, lauréate du prix Albert-Lasker de recherche médicale fondamentale en 1991 et co-lauréate du prix Nobel de physiologie ou médecine en 1995, conjointement avec Eric Wieschaus et Edward B. Lewis, pour leurs travaux sur le contrôle génétique du développement embryonal de la mouche du vinaigre Drosophila melanogaster.
Elle étudie à l’Université de Tübingen, où elle soutient en 1974 sa thèse de doctorat sur les interactions ADN-protéines. Ses travaux dans les différents groupes de recherche qu’elle dirige se concentrent sur le développement embryonal, de la mouche en premier lieu, puis du poisson-zèbre (Danio rerio). Elle publie ainsi de nombreux articles scientifiques fondateurs.
Christiane Nüsslein-Volhard devient en 1985 directrice du Max Planck Institut de biologie du développement de Tübingen, ainsi que la cheffe du département de génétique. Elle reçoit en 1986 le prix Gottfried Wilhelm Leibniz de la Deutsche Forschungsgemeinschaft (Fondation allemande pour la recherche), soit le plus haut prix de la recherche en Allemagne. De 2001 à 2007, elle sert dans le Conseil national d’éthique d’Allemagne.
Elle fonde en 2004 la Fondation Christiane Nüsslein-Volhard, dont le but est d’aider des jeunes mères biologistes ou médecines allemandes à concilier leur carrière et leur vie familiale.
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Elinor Ostrom était une politologue et économiste américaine. Elle a reçu en 2009 le prix Nobel d'économie conjointement avec Oliver Williamson, « pour son analyse de la gouvernance économique, et en particulier, des biens communs »
, devenant ainsi la première femme à obtenir un prix Nobel dans cette catégorie.
Elle étudie dès 1951 les sciences politiques à l'Université de Californie à Los Angeles, poussant jusqu’au doctorat. Sa thèse porte déjà sur une ressource commune – une nappe phréatique – et sa gestion par plusieurs individualités. En 1974, elle est nommée professeur de sciences politiques à l'Université de l'Indiana, directrice du département de 1980 à 1984 puis à la chaire de sciences politiques Arthur F. Bentley.
Ses recherches ont une portée internationale, et cela se traduit notamment dans les choix de ses sujets de recherche : nappes phréatiques en Californie, villages de montagne au Japon, forêts au Népal, pêcheries dans le Maine et en Indonésie, systèmes d’irrigation en Espagne, etc. Son œuvre majeure, Gouverning the Commons (Gouvernance des biens communs), sera publiée en 1990.
Elle meurt d’un cancer en 2012, tout en continuant de travailler jusqu’au bout. Son dernier article sera publié le jour même de sa mort.
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Katherine Louise, ou Katie, Bouman est une informaticienne américaine travaillant dans le domaine de l’imagerie par ordinateur. Elle est connue pour faire partie de l'équipe de l’Event Horizon Telescope (EHT) ayant publié la première photo d’un trou noir, révélée le 10 avril 2019. Elle y a conduit le développement d’un algorithme permettant la reconstruction de cette photo. L’équipe de l’EHT vient d’ailleurs d’être récompensée par un Breakthrough prize.
Elle commence ses études à l'université du Michigan, où elle étudie le génie électrique, et y obtient en 2011 son diplôme de licence, avec une mention cum laude. Elle reçoit ensuite une bourse de la National Science Foundation pour poursuivre ses recherches au Haystack Observatory du MIT. Son mémoire de master est récompensé du prix Ernst Guillemin qui récompense les meilleurs travaux universitaires ; elle soutient sa thèse de doctorat en 2017.
C’est également là qu’elle intègre l’équipe d’imagerie de l’EHT. Depuis juin 2019, elle est professeure assistante de sciences informatiques et mathématiques à l’institut de technologies de Californie. Ses travaux à l’EHT lui permettent de donner en 2017 une conférence TEDx intitulée How to Take a Picture of a Black Hole (Comment prendre une photo d’un trou noir), et pendant laquelle elle explique le principe de l’EHT et de la reconstruction de la photo du trou noir, alors encore en cours. L’image du trou noir – celui, super-massif, qui se trouve au cœur de la Galaxie M87, à environ 53,5 millions d'années-lumière de la Terre – est publiée le 10 avril 2019, et Katie Bouman devient la figure la plus médiatisée de son groupe, ce qui lui vaut des attaques misogynes. Toutefois, celle-ci souligne bien que :
« Ce n'est pas un seul algorithme ni une seule personne qui a créé cette image, mais le talent incroyable d'une équipe de scientifiques provenant des quatre coins du globe et des années de travail acharné. »
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Barbara McClintock était une cytogénéticienne, considérée comme l'une des plus éminentes du XXe siècle. Elle a reçu en 1983 le prix Nobel de physiologie ou médecine pour sa découverte des facteurs génétiques mobiles appelés transposons. Elle devient ainsi la première américaine à gagner un prix Nobel et la première femme à gagner seule un prix Nobel dans ce domaine.
Elle étudie à l’Université Cornell, où elle obtient en 1925 et 1927 son Master of science et son doctorat respectivement, en botanique officiellement, même si elle a aussi étudié la génétique. Durant toute sa scolarité là-bas, elle est la seule femme à obtenir un diplôme dans le département d'agriculture. Marcus Rhoades, un camarade étudiant, attribue ainsi à sa consœur une dizaine d’avancées significatives faites par les scientifiques de l’Université de Cornwell dans le domaine de la cytogénétique du maïs entre 1929 et 1935 [5].
Après un court séjour en Allemagne puis son retour à Cornell, elle accepte un poste de professeure assistante au département de botanique à l’Université du Missouri à Columbia en 1936. Mais les années passant, elle se rend compte du plafond de verre juste au-dessus d’elle et décide de partir. Elle accepte ainsi en 1941 de venir travailler dans l'équipe du Carnegie Institution of Washington du département de génétique (Cold Spring Harbor Laboratory) où elle restera jusqu’à la fin de sa carrière.
Barbara McClintock est très en avance sur son temps, au point que ses travaux sur la régulation génique sont accueillis par la communauté par au mieux de la perplexité, au pire de l’hostilité [6]. C’est ainsi qu’en 1953, elle décide de ne plus publier ses recherches sur les éléments de contrôle géniques :
« Au fil des ans, j'ai trouvé difficile, voire impossible, d'amener une autre personne à réaliser l'existence de ses postulats quand par le biais de quelque expérience, j'en avais moi-même pris conscience. Cela est devenu douloureusement évident lors de mes tentatives, dans les année 1950, pour convaincre les généticiens que l'action des gènes devait être et était contrôlée. Il est tout aussi douloureux aujourd'hui de reconnaître la rigidité des spéculations de beaucoup de personnes sur la nature des éléments de contrôle dans le maïs et leur mode opératoire. Il faut attendre le moment propice pour les changements de paradigme. » [7]
Dix ans après ces découvertes, au début des années 1960, deux généticiens français re-décrivent la régulation génique. Barbara McClintock rappelle dans un article scientifique ses travaux précédents. Mais même à l’heure actuelle, beaucoup ignorent son immense contribution à la génétique, alors même que ses travaux ont servi à élaborer de nombreuses méthodes d’élucidation de fonction de gènes chez les plantes.
Barbara McClintock est élue en 1944 à l'Académie nationale des sciences – elle est la troisième femme à y être élue –, devient en 1945 la première femme présidente de la Genetics Society of America et est faite en 1967 « Membre distinguée du service de Carnegie Institution de Washington ».
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Tu Youyou est une chercheuse en pharmacie chinoise, qui a obtenu en 2011 le prix Albert-Lasker pour la recherche médicale clinique et en 2015 le prix Nobel de physiologie ou médecine pour ses travaux de recherche contre le paludisme. Cela fait d’elle la première chinoise lauréate d’un prix Nobel, læ premier·e chinois·e lauréat·e d’un prix Nobel dans cette catégorie et læ premier·e chinois·e lauréat·e d’un prix Albert-Lasker.
Elle a étudié à la faculté de pharmacie de l’Université de médecine de Pékin jusqu’en 1955 puis s’est formée aux théories de la médecine chinoise traditionnelle (cours à l’intention des experts en médecine occidentale). Cette double spécialisation est à l’origine de sa carrière dans de nombreux domaines de la pharmacie et de la médecine traditionnelle chinoise. Elle lui a également inspiré son approche novatrice, permettant la découverte de principes actifs issus de la médecine traditionnelle chinoise, dont l’artémisinine, ce qui lui a valu son prix Nobel.
Travailler en tant que scientifique pendant la révolution culturelle chinoise ne fut pas de tout repos (et c’est un gros euphémisme), mais Tu Youyou publie néanmoins en 1977 ses recherches concernant l’artémisinine, qu’elle présente en 1981 à l’OMS. Pendant ses travaux, elle teste la sécurité des produits de ses recherches sur elle-même :
« As head of this research group, I had the responsibility. »
(« Étant à la tête de ce groupe de recherche, j’en avais la responsabilité. »)
Elle accède en 1980 à un poste équivalent à celui de professeur·e universitaire (研究员) et reçoit les titres suivants : « Éminent[·e] scientifique » (premier groupe) par la nation chinoise en 1984, l’une des « dix femmes les plus éminentes » par le gouvernement central en 1994, « Travailleur national d’avant-garde » par le Ministère national en 1995 et « inventrice du nouveau siècle » par l’Office d’État de la propriété intellectuelle de la République populaire de Chine (SIPO) en 2002. Elle obtient également les titres de « professeur titulaire », « professeur-présidente » ; et occupe à l’heure actuelle les postes de directrice de recherche à l’Académie de médecine chinoise traditionnelle de Chine à Pékin et de responsable du Centre de recherche-développement sur l’artémisinine de cette académie.
Je me suis principalement concentrée ici sur des lauréates de prix, toutefois la liste des chercheuses ayant contribué à la science est bien plus longue ! (Mais je n’allais quand même pas vous écrire un article de 280 pages – nombre non contractuel.)
Si vous n’êtes pas rassasié·es, je vous invite à regarder du côté de nos portraits de figures féministes : Jane Goodall, Mary Jackson, Mae Jemison, Ada Lovelace, Fadela Mrabet, Karen Uhlenbeck, Quarraisha Abdool Karim, Cecilia Payne, Madeleine Pelletier, Irène Joliot-Curie, Mary Annings, etc., et à guetter notre prochaine sélection de portraits !
[1] RAYNER-CANHAM M. F. et RAYNER-CANHAM G. W. (1992). Harriet Brooks: Pioneer Nuclear Scientist, McGill-Queen's University Press, Montreal.
[3] TEMPLE GRANDIN, M. et JOHNSON C., 2005. L'Interprète des animaux (titre original : Animals in Translation: Using the Mysteries of Autism to Decode Animal Behavior).
[5] RHOADES, M. M. The golden age of corn genetics at Cornell as seen through the eyes of M. M. Rhoades, non daté.
[6] McCLINTOCK, B., 1987. « Introduction » dans The discovery and characterization of transposable elements: the collected papers of Barbara McClintock, New York: Garland Publishing, Inc.
[7] FOX K. E., 1983. A feeling for the organism, New York – traduction en français sous le titre L’Intuition du vivant. La vie et l’œuvre de Barbara McClintock, Paris.