16 novembre 2016

Audrie & Daisy : 2 histoires, 1 culture du viol

Trigger Warning : cet article contient des évocations et descriptions de viols, violences sexuelles et harcèlement. Il contient également des citations de propos culpabilisant les victimes, et des mentions et descriptions de suicide. Il est aussi fait mention de consommation excessive d’alcool.
Audrie & Daisy : 2 histoires, 1 culture du viol

Aux États-Unis, seules 20 % des agressions sexuelles sont dénoncées par les victimes.

Le documentaire Audrie & Daisy raconte l’histoire de deux d’entre elles.

Audrie

Alors qu’elle est à une soirée chez son amie Emily, Audrie boit plus que de raison et s’endort dans le salon. Un de ses « amis » décide de l’emmener à l’étage pour la poser sur un lit ; seulement, il aperçoit des marqueurs et trouve plus drôle de la déshabiller et de lui dessiner partout sur le corps avec des potes.

Une cible sur son pubis et son postérieur, une phrase suggestive sur la jambe, et autres joyeusetés.

Les garçons lui ont également placé un marqueur dans le vagin, et ont demandé à celui qui l’avait mise au lit d’aller « y jeter un œil ». Celui-ci a fait bien plus, puisqu’il l’a agressée sexuellement.

Elle était toujours inconsciente.

Le lendemain, elle tente de comprendre ce qu’il s’est passé exactement et qui lui a dessiné dessus, elle n’en a évidemment aucun souvenir.

Alors qu’elle retourne à l’école, elle semble comprendre que des photos ont été prises, des garçons paraissent en rire. C’en est trop pour elle, elle demande à sa mère de venir la chercher. « Ce n’est plus possible. » Quand elles arrivent à la maison, sa mère lui dit d’aller se calmer dans sa chambre et qu’elles parleront plus tard. Audrie passe la journée sur son ordinateur. Quand sa mère vient vérifier si tout va bien, il est déjà trop tard. Elle trouve Audrie, pendue dans sa douche.

Daisy

Avec son amie Paige, alors qu’elles ont 14 ans toutes les deux, Daisy décide de tester l’alcool pour la première fois, chez elle. Elles s’amusent, rigolent, et Daisy reçoit un sms d’un ami de son grand frère qui lui demande si elle veut venir chez lui où il se trouve avec quelques autres amis. En confiance, les filles acceptent et les garçons viennent les chercher. Elles font le mur, montent dans la voiture et se retrouvent chez Matthew, l'ami de son grand frère. À peine arrivées, Paige est emmenée dans la chambre par un garçon pendant que Daisy est incitée à boire le plus possible par les autres. Pendant qu’elle boit, son amie est violée dans la pièce d’à côté.

Au bout d’un certain temps, presque inconsciente, Daisy est à son tour emmenée dans la chambre et agressée sexuellement par Matthew. Ils déposent ensuite les filles devant chez Daisy. Paige rentre chez elle à pied, dans un état second, et s’évanouit en arrivant dans sa chambre. Daisy quant à elle est balancée dans son jardin, sur la neige, inconsciente et à moitié nue.

Sa mère la trouve à 5 heures du matin.

Alors qu’elle veut tenter de réchauffer sa fille, elle fait couler un bain et la déshabille. C’est alors qu’elle remarque des traces et rougeurs à l’entrejambe et aux cuisses. Elle emmène directement Daisy à l’hôpital, où lui seront administrés des tests d’alcoolémie (plus que positifs) et de viol (également positifs, traces de violences sexuelles).

C’est le shérif de la ville qui sera en charge de l’enquête, et il tient des propos assez ahurissants :

« Ne sous-estimez pas le besoin d’attention. Surtout chez les jeunes filles. Elles subissent beaucoup de pression dans notre société, pour être jolies, aimées, populaires. […] C’est injuste mais notre société fonctionne ainsi. »

Il ne croit pas Daisy, les agresseurs qu’elle désigne sont des « bons gars », athlètes appréciés ou fils d’influent·es de la ville. L’enquête, menée par cet homme, finira par un abandon des poursuites à cause de « preuves insuffisantes ».

« Il est devenu plus important de protéger les garçons que de rendre justice aux filles. » (mère de Paige)

L’affaire prend une ampleur considérable, Anonymous s’en empare et demande un réexamen de l’enquête. Les médias s’en mêlent également, cette histoire fait un tel boucan que finalement une juge est saisie et l’enquête relancée.

« Mais à quoi s’attendait-elle en faisant le mur à 1 heure du matin ? » (un journaliste)

Le réexamen des preuves amène cette fois à une condamnation, mais avec sursis seulement…

« Les filles ont tout autant de culpabilité que les garçons dans ce monde. Tout le monde doit assumer sa part de responsabilité. » (le shérif, encore)

Suite à ce verdict, Daisy est harcelée et menacée sur les réseaux sociaux, sa mère perd son travail, leur maison est incendiée…

Culture du viol, vous avez dit ?

Une fois ce documentaire visionné et toutes ces informations assimilées, se pose la question de comment réagir. Concrètement, que peut-on faire pour éviter que l’histoire se répète sans cesse ?

Les évènements racontés dans Audrie & Daisy ne sont pas l’apanage des États-Unis, loin de là. Vous pouvez être certain·es qu’une histoire de ce genre a déjà eu lieu tout près de chez vous. 33 viols sont déclarés chaque jour en France, les viols sur mineur·es ont quant à eux augmenté de plus de 20 % en 5 ans.

Les suicides d’adolescentes sont malheureusement fréquents, qu’ils soient causés par une agression sexuelle ou du harcèlement. France 3 avait d’ailleurs diffusé un téléfilm à ce propos, sur l’histoire de Marion, 13 ans, harcelée au collège et qui s’est suicidée suite à tout ça.

Au-delà du rôle des parents et de la société en général dans l’éducation des enfants afin qu’iels ne deviennent pas de futurs agresseurs, il en va de la santé de toutes ces adolescentes que Twitter, Facebook et toutes les autres plateformes de réseaux sociaux se mobilisent dans la lutte contre le harcèlement en ligne.

Une loi a enfin été votée récemment pour punir de 2 ans de prison la diffusion de photos sans le consentement de la personne concernée.

Des collectifs se mobilisent sur Twitter pour faire bouger les choses, notamment FéministesVsCyberH ou SaferBlueBird. Mais il est tout de même aberrant de voir que les plateformes de réseaux sociaux ne semblent pas s’inquiéter de toutes ces horreurs qui prennent place chez elleux…

Quant à la lutte contre les agressions sexuelles, si déjà on commençait par voir plus de 2 % des agresseurs condamnés

Daisy, elle, a mis en place avec d’autres victimes un groupe de parole. Parce qu’apparemment, en France comme aux États-Unis, on est jamais mieux servi·e que par soi-même.