
Les Trigger Warnings sont des notes placées en début de document, afin d’avertir que le contenu d’un média peut déclencher des crises d’angoisses ou des flashbacks chez les personnes souffrant du syndrome post-traumatique.
En effet, l’expression trigger warning vient du terme médical trauma trigger (déclencheur de trauma). Les trauma triggers sont des stimuli qui vont rappeler voire faire revivre le trauma à la personne concernée. Par définition, un trigger, ou déclencheur, n’affectera pas une personne qui n’a pas vécu un évènement traumatique.
À lire aussi
La mention « TW » est donc apparue il y a plusieurs années sur Internet pour signaler les contenus possiblement traumatisants, afin d’éviter que les victimes ne soient re-traumatisées en permanence. Cela permet de créer un environnement plus sûr, dans lequel chaque victime de trauma peut décider du contenu auquel iel s’expose en toute connaissance de cause. Une personne traumatisée peut choisir de faire face à un contenu sensible, mais le TW l’aidera à se préparer mentalement et à gérer ses réactions, car c’est souvent l’effet de surprise qui déclenche la crise de panique.
Bien évidemment, cette pratique a ses limites. Tous les triggers ne sont pas référençables ni reconnaissables. Un détail particulier et insignifiant peut déclencher un souvenir traumatique, comme un signe distinctif propre à l’agresseur (ex : un tatouage, un parfum) ou même un endroit. Les trigger warnings ne peuvent pas protéger de tous les déclencheurs possibles, ils participent seulement à la réduction des dommages qui seraient potentiellement causés.
Les détracteurices de la pratique invoquent aussi souvent que les trigger warnings vont à l’encontre de l’« exposure therapy » (thérapie de l’exposition), durant laquelle les victimes de trauma sont graduellement ré-exposées à des stimuli sensibles. Graduellement est le mot-clef ici, car il y a une notion de contrôle qui est absente des contenus médiatiques. Exposer une personne traumatisée à un déclencheur par surprise est toujours mauvais. Certain·es accusent également les utilisateurices de trigger warnings de « créer une génération de petites natures qui refusent de voir le monde tel qu’il est »
[sic] en voulant protéger tout le monde à tout prix. C’est une critique très vivace aux États-Unis, où des étudiant·es en droit avaient réclamé la mise en place de trigger warnings pour avoir le choix de se soustraire aux cours portant sur les lois concernant le viol.
Tous les triggers ne sont pas référençables et reconnaissables.
En réponse à ces débats sont apparus les content notes (notes de contenus, CN) ou content warnings (avertissement de contenu, CW). Les content notes sont simplement des notes en début de contenu où l’on précise tous les sujets potentiellement sensibles qui seront évoqués, pas seulement ceux potentiellement déclencheurs pour les personnes traumatisées. À la différence des TW, les content warnings concernent donc tout le monde.
En effet, qu’on soit une victime de trauma ou non, on peut souhaiter éviter certains contenus ou simplement vouloir y être préparé·e. Les content warnings permettent donc aux consommateurices de s’exposer ou non à un contenu en toute connaissance de cause. Et on voit mal ce que les détracteurices pourraient y trouver à redire : après tout, il a toujours été courant qu’au cinéma ou à la télévision nous ayons des avertissements de contenu : « Attention ce contenu peut heurter la sensibilité des plus jeunes »
. Il s’agit simplement d’étendre cette courtoisie à tout type de média et aux personnes de tout âge tout en étant un peu plus précis·es.
Chez Simonæ, nous sommes convaincu·es de l’utilité des trigger warnings et des content notes, vous les verrez donc apparaître au début de nos articles. Si, comme nous, vous avez envie d’utiliser ces avertissements, voici un petit guide non-exhaustif de bonnes pratiques.
#1 Il faut essayer de ne pas laisser de contenu potentiellement traumatisant sans trigger warning. Cela concerne tous les contenus violents ou choquants comme les références détaillées aux violences sexuelles, physiques et morales, à la guerre, à l’inceste et aux violences sur les enfants. Il faut ajouter à cela la vision du sang, les mentions détaillées de tentatives de suicide et d’automutilation, ainsi que les témoignages détaillés sur les troubles du comportement alimentaire (TCA).
#2 Pour les autres contenus sensibles, tels que des insultes à caractère racistes, LGBTphobes, sexistes, grossophobes, etc ou des discussions sur ces oppressions, mettez un content warning. De même, quand on mentionne un sujet potentiellement traumatisant sans rentrer dans les détails ou en abordant un aspect théorique de celui-ci (réflexion sociologique, études chiffrées, etc.), on le mentionne sous forme de CW et non de TW. Par exemple si l’on parle du suicide dans le cadre d’une étude (« quelles sont les populations les plus touchées ») et non pas dans le cadre d’un témoignage ou d’un relais d’actualité, on mettra un CW plutôt qu’un TW (et dans tous les cas on précisera au delà du mot « suicide » de quoi il est question).
#3 Il est important de ne pas utiliser TW et CW indistinctement ; il est insultant et dommageable pour les victimes de trauma de parler de TW pour du contenu sensible non lié au trauma. Cela minimise leur vécu en mettant au même plan un simple inconfort face à certains sujets et les crises d’angoisse ou flashbacks que cela provoque chez elleux. Dans le doute, utilisez la mention content warning : une victime de trauma trouvera les informations nécessaires au besoin, et s’il ne s’agit pas de contenu potentiellement retraumatisant vous n’« insulterez » pas les victimes de trauma.
#4 Il est important de bien formuler les avertissements : un mot trop vague comme [TW : viol] ne permettra pas aux personnes de prendre une décision éclairée (s’agit-il d’une simple mention de viol ou d’un témoignage avec descriptions graphiques ?) et, à l’inverse, une formule trop détaillée peut être contre-productive (exemple : [CW : insulte misogyne « salope »]).
#5 Quand le mot « sensible » est déjà écrit dans le titre du contenu, il est toléré de ne pas mettre de TW ou de CW car c‘est redondant. Par exemple, si un article s’intitule « Mon viol, mon témoignage », on se doute bien qu’il va parler de viol. C’est d’autant plus toléré quand on dispose d’un nombre limité de caractères comme sur Twitter.
#6 Si les anglicismes vous hérissent le poil, sachez que vous pouvez tout simplement utiliser l’expression « avertissement de contenu » qui conviendra à tout le monde, victimes de trauma ou non.
#7 Enfin, il est important de ne pas transformer les TW et CW en injonction auprès de tou·tes les internautes que vous croisez. Il est normal et compréhensible que tout le monde ne connaisse pas les avertissements sur le bout des doigts et il est possible de se tromper, ou simplement d’oublier – d’autant plus que les règles ne sont pas universelles sur le sujet. De plus, rappelez-vous qu’il est impossible d’avertir de tous les trauma trigger. On peut seulement demander des TW ou CW pour des contenus communément traumatisants ou sensibles. Par exemple, on ne mettra jamais [TW : concombre] parce que le concombre rappelle une crise de TCA à certain·es, ou [TW : sodomie] parce que c’est la façon dont certaines personnes ont été violées, vu qu’en soi le concombre et la sodomie (si elle est consentie !) n’ont rien de sensible ou traumatisant. Et dans tous les cas, ne blâmez pas publiquement une personne qui a oublié un TW ou un CW. Soyez bienveillant·es et pédagogues autant que possible.
Cher·es lecteurices, prenez soin de vous !