
31 janvier 2017. Une interview d’un certain Guillaume Cornut, trader passionné de musique, est publiée sur le site Africultures. L’interview aborde l’ouverture en mars prochain d’une salle de spectacle « qui renoue avec l’esprit des Années Folles ». Belle nostalgie ! Le nom de cette salle ? « Le Bal Nègre »…
On est en 2017 et un homme blanc se dit qu’il est complètement normal de nommer un cabaret « Le Bal Nègre ». On est en 2017 et cet homme trouve que c’est un « nom magnifique, dansant, chantant et coloré ».
On est en 2017 et baptiser un endroit « Bal Colonial » est plus gênant que de le baptiser « Bal Nègre ». Ah oui le mot « colonial » est si mal vu ! Si connoté ! Mais pas le mot « n**** ».
On est en 2017 et ce cher M. Cornut invoque Césaire et Senghor, les pères de la Négritude, pour justifier le choix du nom du cabaret. On est en 2017 et ce cher M. Cornut parle de contexte historique d’utilisation de ce mot.
On est en 2017 et non seulement il invoque Césaire et Senghor, mais en plus il invoque ses « cautions » ! Avec en prime une explication légèrement capillo-tractée de l’étymologie du N-word français.
On est en 2017 et Guillaume Cornut n’a toujours pas compris que ce mot était offensant…
On est toujours en 2017, et des femmes et hommes noir·es doivent encore expliquer pourquoi tout ceci est insultant. On est en 2017 et des femmes et hommes noir·es doivent se lever tôt un dimanche pour exprimer une énième fois leur ras-le-bol de la nostalgie coloniale des blanc·hes, de l’exotisation et de la négrophobie ordinaire qu’iels subissent constamment.
Aux dernières nouvelles, le propriétaire du lieu s’est engagé à changer le nom de son établissement. Ce qui est dommage, c’est qu’en 2017 on en soit encore à tergiverser sur ce terme, alors qu’on sait tou·tes que c’est un terme inapproprié, offensant et raciste. Ce qui est effarant, c’est qu’en 2017, ces personnes n’aient toujours pas compris que ce n’était pas à elleux de définir ce qui était négrophobe ou non.
J’entends souvent cet argument : « Oui mais Césaire lui même le dit ! Ce n’est donc pas péjoratif ! »
. L’argument fétiche des défenseureuses blanc·hes du mot « nègre ». Il est vrai qu’Aimé Césaire, ce grand écrivain martiniquais, l’employait beaucoup. Mais la Négritude est en fait une réponse aux racistes, comme il l’explique dans ce documentaire.
« Quand je parlais de Négritude, c’était pour répondre précisément aux racistes qui nous considéraient comme des nègres, autrement dit des riens. Eh bien non ! Nègre vous m’appelez, eh bien oui, nègre je suis. N’allez pas le répéter, mais le nègre vous emmerde. »
Pour aller plus loin
L’interview en question accordée au site Africultures, avec un décryptage proposé en fin d’article.