
Quand j’ai fait mon coming-out en tant que bisexuelle, je n’avais aucune idée des réactions que ça allait entraîner. J’étais jeune, plutôt naïve, mal informée et je voulais juste être acceptée. Depuis, les années ont passé. J’ai déménagé plusieurs fois, j’ai fait plusieurs coming-out à des personnes très différentes, dans des milieux différents. En 5 ans, j’ai collectionné un bon nombre de remarques biphobes auxquelles j’ai su plus ou moins répondre. Aujourd’hui, avec le recul, j’ai eu envie de compiler ces réactions dans un bingo. N’hésitez pas à le copier, le diffuser, le modifier, l’envoyer par mail, l’afficher en salle de repos de votre boulot, université ou école… Faites-en ce que vous voulez !
Nota bene : pour écrire cet article, en plus de ma propre expérience, j’ai fait un appel à témoignages sur un groupe Facebook Les féministes par inadvertance. Environ 50 personnes m’ont répondu, des femmes cisgenres pour la majorité.
« C’est juste pour attirer l’attention. »
« C’est pour faire ton intéressant·e. »
« Ah mais tout·es les meufs sont bies, de nos jours. »
– Mon frère.
« Mais tout le monde se dit bi parce que ça fait bien ! Comment tu peux être sûre de l’être ? »
– Des amis.
« En fait tu fais comme Britney Spears et Madonna. »
– J’ai eu ma première petite amie peu de temps après que Britney Spears et Madonna se sont embrassées à la télé.
« J’en ai marre de celles qui utilisent ça pour coucher à droite et à gauche ou pour se donner un style ! »
– Ma belle-mère.
« De toute façon, c’est juste une mode. Regarde-moi, j’ai compris que j’étais pas bie. À un moment donné tu comprends ton orientation et tu te ranges d’un côté ou de l’autre. Je suis lesbienne et toi t’es hétéro point. Ces histoires de bi et de pan ça n’existe pas, soit t’es homo, soit t’es hétéro, ces conneries ça a été inventé pour que les petites bourgeoises se la pètent parce qu’elles sont trop famous d’avoir embrassé une fille alors qu’elles sortent avec des mecs. »
– Une de mes meilleures amies.
« Tu es instable, tu ne sais pas choisir. »
« Les mecs qui marchent à voile et à vapeur ça m’insupporte faut choisir à un moment. »
– Un ancien camarade de classe.
« Ah t’es bi… Tu comptes te poser sérieusement dans la vie sinon ? »
« Non mais faut pas être dur·e avec les personnes qui se disent bi, elles ne savent juste pas où elles en sont, ça peut arriver à tout le monde de se chercher ! »
– Ma belle-mère.
« Tu as forcément une préférence. »
« Et du coup tu préfères quoi, les bites ou les chattes ? »
« Et c’est quoi la différence entre les hommes et les femmes ? Qu’est-ce qui est mieux ? »
Quand tu es en couple :
« Ça ne te manque pas les hommes/femmes ? »
« Ah, tu aimes aussi les filles ? Mais tu as été avec plus de mecs, non ? Du coup, tu es comme beaucoup de bisexuelles, tu préfères la bite. »
« Tu es attiré·e par tout le monde, tu as envie de tout le monde. »
« Ah mais je ne te présente pas ma copine alors ! »
« Et la dernière fois que t’as été attirée par une personne c’était ? La dernière fois que tu as couché avec une personne ? La moyenne ? »
– Une personne que je ne connaissais presque pas.
« Du coup quand t’es avec M. (une amie bie également) ça doit y aller dis donc. »
« Ok tant que tu ne me dragues pas. » / « Du coup tu nous mates sous la douche ? » / « Évite de me faire des compliments maintenant. » – Dans le milieu sportif.
« Attends t’es venue dormir chez moi, tu aurais pu… ??? » – Des potes.
« Mais t’es grave ouverte d’esprit en fait, tu peux te taper tout le monde ! »
« T’as déjà eu envie de te taper taon colloc/ami·e/collègue ? »
« C’est pas possible que tu sois célibataire puisque tu peux pécho tout le monde. »
« C’est pas compliqué d’avoir envie de coucher avec tout le monde ? »
« Mais du coup en soirée t’as envie de baiser tout le monde ? »
« Et au fait quand t’as dormi avec *prénom d’une amie* t’as pas trop eu envie de la toucher ? »
« Ça me dérange pas mais ne me drague pas stp. »
– Une fille.
« Tu dois en exciter certains » – Un collègue.
« Tu aimes les plans à 3. »
« Ça veut dire que ton copain peut avoir un plan à 3 avec deux nanas, la chance ! »
« T’es ok pour un plan à 3 alors ? »
« Ton mec a de la chance, plan à 3 quand il veut. »
« Tu es infidèle. »
« Mais en fait sortir avec un·e bi c’est avoir deux fois plus de chance d’être trompé·e. »
« Ah mais du coup je dois me méfier deux fois plus que tu ne t’intéresses pas à quelqu’un·e d’autre. »
« C’est une phase d’expérience, en vrai tu es hétéro. »
« Ça fait moins peur de sortir avec une femme c’est donc pour ça que tu te définis comme bisexuelle, mais en vrai tu es hétéro et tu trouveras la bonne personne. » – Mon frère.
« Moi aussi, j’ai eu mes expériences, ça passe, tu verras. »
« Bon alors c’est fini cette fois ton délire avec les filles ? »
– Ma mère.
« Mais à quoi ça sert que tu sois bi si tu es attirée par les mecs ? »
– Une fille hétéro.
« Ne t’inquiètes pas tu es jeune, tu sais moi aussi à ton âge je me posais des questions, c’est logique de se poser des questions mais tu verras tu trouveras ta voie. Ce n’est qu’une phase c’est normal de se chercher. »
– Ma mère.
« Tu es un·e homosexuel·le refoulé·e. »
« Tu étais déjà un homo caché dans les vestiaires au collège ? »
– Un ancien camarade de classe.
« Tel gars se dit bi, mais en vérité il n’a juste pas le courage de s’assumer et de se dire homo. »
– Un ami gay à propos d’un de ses amis.
« Non, mais tout ça pour ne pas dire qu’elle est lesbienne quoi. »
– Une amie lesbienne à propos du coming-out de Cœur de pirate.
« Mais en fait bi ça n’existe pas, c’est juste pour les gays/lesbiennes qui s’assument pas. »
– Mon meilleur ami gay.
« Mais tu penses qu’après tu vas devenir complètement lesbienne ? »
– Un ex.
« Tu as juste eu de mauvaises expériences sexuelles ou amoureuses. »
« Tu dis ça parce que tu n’es pas heureuse avec ton copain. »
« Quand je t’aurai fait jouir tu ne voudras plus de nana. »
« Ce n’est pas étonnant que tu sois devenue bi, vu ce que tu as vécu avec ton ex. »
Un mec vient draguer ma copine et moi, je lui fais comprendre qu’on est déjà ensemble et que ce n’est pas possible. Il répond
« un jour tu coucheras avec un mec, tu verras ce que c’est que le vrai sexe »bêtement je lui ai dit« j’ai déjà couché avec un mec »et lui me rétorque« bah il devait vraiment être nul pour que tu finisses avec une fille ».
« T’as eu combien d’expériences ? Parce que si c’est juste une ou deux ça veut dire que t’es hétéro un peu curieuse. En fait t’es hétéro mais t’as un trauma des mecs cis donc tu dragues des filles. »
« Non mais les pauvres, leurs mères doivent être très tristes, enfin heureusement ça se soigne, il suffit de trouver le bon mec ! »
– Ma mère en parlant en général sur la bisexualité.
« En fait tu ne peux pas savoir, jusqu’à preuve du contraire, tu es hétéro. »
« T’es jamais sortie avec une fille donc t’es hétéro. »
« Si t’as couché qu’avec des mecs (cis) tu ne peux pas te dire bi ! Couche avec des personnes qui ont d’autres genres et là seulement tu pourras dire si t’es hétéro ou pas ! »
« Tu es homo/hétéro par périodes. »
« Ça y est, tu es redevenue hétéro ! »
« Donc tu es mi-hétéro, mi-lesbienne ? »
« Du coup en ce moment t’es plutôt 70 % hétéro 30 % bie ? »
– Un ex.
Le milieu LGBT+ n’est pas vacciné contre la biphobie. Certaines personnes voient les bisexuel·les comme des traître·sses qui profitent des deux côtés.
« Je ne pourrai jamais sortir avec une bie, je veux une fille qui aime vraiment les femmes. »
– Dans le milieu lesbien.
« Non mais moi j’ai lu une statistique comme quoi les meufs bies finissaient la plupart du temps leur vie avec un mec. »
– Dans le milieu lesbien.
« Elle dit qu’elle est bie alors qu’elle est sortie qu’avec des mecs, c’est juste pour qu’elle puisse faire genre je vis une oppression. »
– Dans le milieu lesbien.
« Je ne pourrais pas sortir avec une bie, ça me dégoûterait de l’embrasser alors qu’elle a sucé des ***** dans le passé. »
– Une amie lesbienne.
Il peut être difficile, en tant que bisexuel·le, de trouver sa place dans la communauté LGBT+. Nous sommes pourtant le B de LGBT mais nous pouvons avoir des fois le sentiment de ne pas être assez gay/lesbienne/queer.
En tant que femme cis bisexuelle, j’ai l’impression qu’il existe deux types de femmes cis bisexuelles en couple : celles qui sont en couple avec un homme cis (le « mauvais » type) et celles qui sont en couple avec toute autre personne n’étant pas un homme cis (le « bon » type). Et si jamais tu fais partie du mauvais type, comment oses-tu te sentir concernée par les thématiques LGBT+ ? Biphobie quand tu nous tiens…
En juin 2016, à la suite du massacre à Orlando, je suis allée au rassemblement organisé par le centre LGBT+ de ma ville. J’en suis sortie encore plus déprimée : les discours étaient adressés aux gays et lesbiennes, aucune mention des personnes bisexuelles. J’ai eu le sentiment d’être une intruse, que ce rassemblement ne me concernait pas. Et pourtant je suis sûre que des personnes bisexuelles sont mortes à Orlando ce jour-là. Cette invisibilisation des bisexuel·les dans le milieu LGBT+ me désole et me révolte, autant dire milieu LG voire milieu G.
De nombreuses personnes bisexuel·les n’assument pas leur bisexualité car elles ne se sentent pas légitimes à cause d’une biphobie internalisée. « Je ne peux pas savoir si je n’ai pas eu de relations avec des personnes du même genre »
, « J’ai peur qu’on me dise que je fais ça pour me faire remarquer »
. Ces pensées peuvent être la cause de beaucoup de souffrances et de questionnements.
Trop homo pour être hétéro, trop hétéro pour être homo, les bisexuel·les ne rentrent pas bien dans les cases. Les bisexuel·les quand iels sont dans une relation avec une personne hétéro (ou bi·e) ne subissent pas l’homophobie mais sont toujours confronté·es à la biphobie. La biphobie c’est se sentir seul·es, invisibles : être sexualisé·es par la culture hétéronormative et être souvent exclu·es du soutien de la communauté LGBT+.
BUT SHE’S SO STRAIGHT-LOOKING / DO YOU KNOW WHAT KIND OF CLUB THIS IS HONEY? / IS YOUR GIRLFRIEND THE GUY THEN? / STOP. Enjoy the silence, because I can’t silence all the voices swimming in my brain that question the validity and extent of my bisexuality. I’m a fem, a rather girly half-dyke or semi-straight lady girl and yeah, I’m into other fems and I’m sorry heteronormativity isn’t too impressed by that. My own community tell me that doesn’t really happen, rolled eyes and tumbleweed and even « Nah, I disagree » « But what? The fact I’ve told you what I like? ». Hey stranger, I’m not your kink, I’m not your fetish. Yes I’m bi, but when you read me as queer, it’s for your lesbian fantasy, oh my, yes, I’m bi and my penchant for lipstick and pretty dresses leaves me feeling invisible.
IT CAN’T BE / NAH DADDY ISSUES / SHE JUST NEEDS A PROPER SHAFT AND I’LL GIVE HER ONE / STOP. My femininity is not a product for your consumption straight man and no it’s not a beard for a latent homosexuality and no I’m not a slave to the patriarchy. I just like lipstick and dresses and other girls who wear them. Men? I like them too. Ah, that bloody bi taboo.
MAYBE SHE’S CONFUSED / IT’S JUST A PHASE / IT’S NOT REAL / When I date a man, I drown in privilege but I’m not gay enough for pride. I pass as straight because I look straight and admittedly, life’s easier. I dodge the snare and yet I’m alienated from activist’s solidarity and I can’t escape this feeling of otherness, of loneliness in my reality, this dismissal of my identity, this stranger who doesn’t know me, shoving me into the closet unwillingly over and over because I’m the feminine B in LGBT and don’t we all know that’s a nice myth for the porn industry. I am not my sexuality and my appearance doesn’t dictate either and neither should you. And yet it exists, it’s here, beside me, my shadow, and it’s struggling, choking, feeling marginalized. These damages and stereotypes of those who are bi, those greedy silly attention-seeking fools of people who fallen flat on their faces somewhere in the middle of sexuality spectrum. These need to die so we can explore and embrace and anyway we like without hurting anyone. I don’t fit the mold but my words aren’t bold, they’re words that need to be said over and over again until something sticks. If I marry a woman, I won’t be gay and if I marry a man, I won’t be straight. And until you understand that, how about don’t question it, let me live in my heels, with my boy crushes and my girl crushes. Give me the silence of acceptance.
MAIS ELLE A L’AIR SI HÉTÉRO / TU SAIS QUEL GENRE DE BOÎTE C’EST CHÉRIE ? / EST-CE QUE C’EST TA COPINE LE MEC ALORS ? / ARRÊTEZ. Appréciez le silence, parce que je n’arrive pas à faire taire toutes les voix qui nagent dans ma tête qui questionnent la validité et l’étendue de ma bisexualité. Je suis une fem [NB : lesbienne à l’apparence féminine], une demie-gouine plutôt féminine ou une demoiselle demi-hétéro et oui, j’aime les autres fems et je suis désolée si l’hétéronormativité n’est pas assez impressionnée par ça. Ma propre communauté me dit que ça n’arrive pas vraiment, iels lèvent les yeux au ciel, un ange passe et iels me disent même « Non, je ne suis pas d’accord » « Mais avec quoi ? Le fait que je t’ai dit ce que j’aime ? ». Salut inconnu·e, je ne suis pas ton fantasme, je ne suis pas ton fetish. Oui, je suis bie mais quand tu me vois comme queer, c’est juste pour tes fantasmes lesbiens, oh purée, oui, je suis bie et mon penchant pour les rouge à lèvres et les belles robes me font sentir invisible.
C’EST PAS POSSIBLE / BAH, ELLE A DES PROBLÈMES AVEC SON PÈRE / ELLE A JUSTE BESOIN D’UNE BONNE BAISE ET JE LUI EN DONNERAI UNE / ARRÊTEZ. Homme hétéro, ma féminité n’est pas un produit pour ta consommation et non, ce n’est pas un artifice pour masquer une homosexualité latente et non, je ne suis pas l’esclave du patriarcat. J’aime juste les rouge à lèvres et les robes et les autres filles qui les portent. Les hommes ? Je les aime aussi. Ce foutu tabou bi.
PEUT-ÊTRE QU’ELLE NE SAIT PAS CE QU’ELLE VEUT / C’EST JUSTE UNE PHASE / CE N’EST PAS VRAI / Quand je sors avec un homme, je me noie dans les privilèges mais je ne suis pas assez homo pour la marche des fiertés. On me prend pour une hétéro parce que j’ai l’air hétéro et j’admets que ça me rend la vie plus facile. Je passe au travers des mailles du filet et pourtant je suis aliénée de la solidarité des militant·es et je n’arrive pas à m’échapper de ce sentiment d’étrangeté, de solitude dans ma réalité, ce rejet de mon identité, cet étranger qui ne me connaît pas, qui me pousse dans le placard, encore et encore, parce que je suis le B féminin dans LGBT et nous savons tou·tes que ça n’existe que pour l’industrie de la pornographie. Je ne suis pas ma sexualité et mon apparence ne décide pas de ma sexualité et tu ne devrais pas non plus. Et pourtant elle existe, elle est là, derrière moi, mon ombre, et elle est se démène, elle étouffe, elle se sent marginalisée. Ces préjudices et stéréotypes de celleux qui sont bi·es, ces espèces de gens complètement perdus et désespérément à la recherche d’attention, qui sont tombé·es en plein milieu du spectre des sexualités. Ces stéréotypes doivent être détruits pour que nous puissions explorer et enlacer nos sexualités de n’importe quelle façon, sans blesser personne. Je ne rentre pas dans le moule mais mes mots ne sont pas courageux, ce sont des mots qui doivent être dits encore et encore jusqu’à ce que ça rentre. Si je me marie avec une femme, je ne serai pas homo et si je me marie avec un homme, je ne serai pas hétéro. Et tant que tu ne comprends pas ça, pourquoi ne l’acceptes-tu pas ? Laisses-moi vivre dans mes chaussures à talons avec mes amourettes de garçons et mes amourettes de filles. Donnes-moi le silence de ton acceptation.
Si je pouvais revenir 5 ans en arrière, voilà ce que je me dirais : tu es bisexuelle, ton identité est légitime que tu aies eu des expériences sexuelles ou romantiques avec d’autres genres ou non, la bisexualité existe, tu fais partie de la communauté LGBT+.
« On s’en bat le coquillard que Freddie Mercury soit bi et pas gay, ça change rien. »
– et bien si ça change tout, et pour la peine, je finis cet article sur une note musicale.