
Si je vous dis biologiste, qu’est-ce qui vous vient en tête ?
Probablement quelques clichés et autres lieux communs, que nous autres biologistes aimerions bien ne plus entendre.
Le mot « biologiste » est un mot-parapluie (un mot qui regroupe plein de notions). Dans la grande famille des biologistes, on trouve des naturalistes, entomologistes (spécialistes des insectes), immunologistes, neurobiologistes, botanistes, bactériologistes, biologistes moléculaires, éthologues, océanographes… (liste non exhaustive). Toutes ces personnes, spécialisées dans leur(s) domaine(s) précis, ne travaillent pas forcément en laboratoire (cf. point suivant).
Comme tou·tes les biologistes ne travaillent pas en laboratoire, vous pouvez vous douter que ce ne sont pas tous des (vieux) hommes barbus, dans leur longue blouse blanche et leur laboratoire fourmillant d’ustensiles divers. Pour certain·es biologistes (dont votre serviteuse, biologiste moléculaire), c’est en effet le cas ; mais pour d’autres, pas du tout ! Imaginez donc un·e océanologue plonger en blouse blanche, ou les naturalistes de tout poil qui sont tributaires de la météo ! Tout le « costume » et les outils d’un·e biologiste dépendent principalement de sa spécialité, comme vous pouvez le voir sur les photos ci-dessous.
Les principaux outils de deux spécialités : botanique à gauche (cape de pluie, chaussures de randonnée, casquette, flore - un livre pour authentifier les espèces, cartes, GPS...) (crédit photo : C. Duflo) et biologie moléculaire à droite (blouse blanche, gants, pipettes, flacons, tubes...) (crédit photo : Petiteminipizza).
Alors là, la réponse est nette et tranchée : clairement pas ! Un·e biologiste (ou scientifique en général) a beaucoup d’autres occupations que ses expériences : articles (rédaction, correction…), analyses des résultats, revue de littérature (se tenir au courant des derniers articles parus), recherche de financements, etc.
Pour avoir une idée de ce qui peut composer un quotidien de biologiste dans un laboratoire de biologie moléculaire et cellulaire, je vous propose une semaine type. (Attention, ce n’est qu’un exemple parmi beaucoup d’autres possibles !)
Lundi
Début de semaine : comme tous les matins, je fais le tour de mes mails et regarde les articles sortis la veille (les flux RSS = la vie). Coup d’œil à mon agenda : quelles expériences sont prévues pour cette semaine ?
Isolation de monocytes (un certain type de globules blancs) demain, parfait, il faudra aller chercher du sang cet après-midi au centre de don du sang de la ville. Et transformation de bactéries pour exprimer mon plasmide (c’est-à-dire faire entrer un plasmide, petit bout circulaire d’ADN, dans des bactéries « gentilles » et attendre qu’elles me le multiplient), à faire en rentrant de la clinique.
En attendant, je vais prendre soin de mes cultures de cellules et lire un article scientifique (ma liste est longue comme le bras, autant lire un peu quand c’est possible).
Mardi
Mes bactéries ont bien poussé cette nuit, je vais pouvoir les faire se multiplier dès ce soir (extraction de mon plasmide demain).
Pour une expérience de mon planning futur, il va falloir que je pose quelques questions à une collègue qui maîtrise cette méthode (il est impossible de tout connaître, question de temps, donc une bonne équipe, c’est une équipe avec des personnes de plein d’horizons différents).
L’isolation des monocytes me prendra tout l’après-midi, il faut que je mange tôt.
Mercredi
Mercredi matin, c’est séminaire. Pendant une petite heure (voire plus), un·e collègue nous parle de ses derniers résultats et projets. Les questions sont en général assez nombreuses et permettent de mettre en lumière des points faibles ou à améliorer. En plus, la présence de quelques collègues étranger·es nous permet de travailler notre anglais.
Pour finir ma journée, j’extrais mon plasmide de mes bactéries et je lance une PCR pour vérifier qu’il est bien comme je le veux. Une PCR (réaction de polymérase en chaîne) permet basiquement d’amplifier un segment bien précis d’ADN et de vérifier ainsi que mon plasmide contient bien le segment voulu.
Jeudi
En arrivant au labo, je prends soin de mes monocytes (je change leur milieu de culture, c’est-à dire leur maison/garde-manger), puis vérification de mon plasmide en analysant les résultats de la PCR d’hier.
C’est bientôt l’heure de ma réunion tri-hebdomadaire avec ma cheffe (la professeure du labo) et ma tutrice. Je leur parle de mes expériences, de leur (non-)avancement, des problèmes que je rencontre, et de mes résultats, bien sûr. Mes quelques graphiques sont disséqués, analysés (et très souvent améliorés) ; mine de rien, ça aide, ces réunions (c’est stressant, mais ça aide).
Vendredi
Journée théorie, je lis des articles scientifiques et prévois mes expériences de la semaine prochaine : stimulation et analyse des monocytes (ça durera toute la semaine, les expériences peuvent parfois être longues), nouvelle expérience d’une semaine (je dois m’assurer d’avoir un protocole – une sorte de recette de cuisine très détaillée – correct et tous les produits nécessaires).
Juste avant de partir, je change de nouveau le milieu de culture de mes monocytes, histoire qu’ils tiennent le week-end.
Samedi
C’est mon jour d’astreinte pour l’animalerie, je dois passer voir les souris et vérifier que tout va bien. Comme on se relaie avec les collègues, ça ne revient que toutes les 6 semaines.
Certes, il y a un jargon (voire des jargons, spécifiques à chaque spécialité), mais quel (corps de) métier n’en a pas ?
Les métiers de médiateurices et vulgarisateurices sont en partie là pour aider à résoudre ce problème de compréhension entre scientifiques et public non initié.
La vulgarisation et la médiation scientifique ont un but commun : permettre au public à qui on s’adresse de comprendre les connaissances scientifiques engrangées par les chercheureuses. Mais pour cela, elles utilisent des modes de communication différents. Là où la vulgarisation implique un·e sachant·e qui explique à un·e ou des non sachant·es, sans qu’il n’y ait réellement de « retour » de la part de ces derniers, la médiation essaye d’impliquer le public dans la compréhension et d’instaurer un dialogue. On pourrait faire une approximation et dire que la vulgarisation, du point de vue du public, est « passive » et la médiation, « active ».
Tout d’abord, il y a une différence primordiale de buts entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée. Là où la recherche appliquée a pour finalité de développer une thérapie, un antibiotique… bref quelque produit qui pourra être utilisé dans « la vie réelle », la recherche fondamentale a pour but primaire la recherche de nouvelles connaissances. Ce n’est donc pas le but de tout biologiste de produire une recherche applicable (comme « faire des surhumain·es » dans l’exemple).
Mais surtout, il existe beaucoup de réglementations pour encadrer la recherche scientifique de façon éthique, et elles interdisent totalement la production de « surhumain·es » : le groupe européen d'éthique des sciences et des nouvelles technologies (GEE) stipule ainsi dans ce rapport que toute modification d’un corps humain ne doit pas « modifier l'identité, la mémoire, la perception de soi et la perception d'autrui ; à améliorer les capacités fonctionnelles à des fins de domination voire exercer une coercition sur les personnes qui n'en sont pas dotées ».
Une biologiste aux cheveux verts manipulant des bactéries.
Nous pouvons en revanche être amené·es à manipuler de l’ADN d'organismes non humains (beaucoup de bactéries non pathogènes notamment), voire de cellules humaines, mais il est rigoureusement interdit que ces organismes sortent du laboratoire. C'est pourquoi nous avons une gestion très stricte des déchets ; ceux contaminés même de façon infimes sont stérilisés (par la chaleur le plus souvent) avant d'être jetés.
Comme expliqué plus haut, le terme « biologiste » est un terme parapluie, qui regroupe beaucoup de spécialisations.
Si un certain nombre de biologistes travaillent avec des animaux, d'autres sont plutôt spécialistes des plantes, des bactéries...
De plus, la plupart des biologistes travaillant avec des animaux, en laboratoire par exemple, ne le font qu’avec un nombre restreint d'espèces (organismes modèles) et seraient donc bien en peine d’expliquer « la vie » de tous les animaux. Nous ne sommes donc pas des encyclopédies éthologiques !
S’il existe des points communs entre les deux disciplines, un·e biologiste n’est absolument pas médecin ! Certes, des spécialités comme l’immunologie, la neurobiologie, la physiopathologie sont parfois très proches dans les sujets traités, mais la formation n’est pas du tout la même !
Les biologistes connaissent plus ou moins l'anatomie humaine, selon leur spécialité, mais elle n’est clairement pas enseignée aussi précisément qu'en études de médecine. De plus, un·e biologiste n’aura pas forcément une idée des symptômes et diagnostics de telle ou telle maladie ! À la rigueur, on pourrait dire que les biologistes sont un peu moins perdu·es face au jargon des médecins mais pas complètement non plus (un petit exemple personnel : quand une personne de mon entourage familial m’a annoncé avoir une péritonite – une inflammation du péritoine, une membrane interne dans le torse, je savais où elle avait mal, mais c’est bien tout !).
Si ce corps de métier vous intéresse, voici des informations sur les formations disponibles, ainsi que quelques conseils personnels pour vous aider.
Pour la plus grande partie des biologistes, la formation commence à l’université (inscription sur Parcoursup pour la France), par une licence de biologie (peu spécialisée). La réelle spécialisation commence au niveau du master, qui peut être professionnalisant ou orienté recherche (et permet de continuer sur un doctorat).
Pour continuer une carrière académique, il est fortement conseillé de faire une thèse dans un institut de recherche, mais il est tout à fait possible de se diriger vers un autre choix de carrière, parmi les nombreux disponibles. Il est ainsi envisageable d’effectuer un M2 de journalisme, communication scientifique, management… pour ajouter une autre corde à son arc et travailler dans un métier exigeant une connaissance du monde scientifique mais n’en faisant pas (totalement) partie. Pour devenir médiateurice ou vulgarisateurice scientifique, des métiers encore jeunes et en pleine construction, il n’existe à l’heure actuelle pas de formation dédiée.
Il y a quelques conseils et informations que j’aurais bien aimé entendre avant de me lancer :
J'espère que cet article vous a aidé à appréhender la diversité des profils de biologistes. Et si vous voulez apprendre à connaître ces profils plus en détail, je vous invite à suivre les comptes collaboratifs @EnDirectDuLabo (sur Tumblr et Twitter) et @LaBioAuLabo (sur Facebook, Instagram, Tumblr et Twitter), et à lire cet article. J’anime cette semaine (du 12 au 16 mars 2018) le compte Twitter @LaBioAuLabo, n’hésitez pas à venir si cela vous intéresse, et à poser des questions si le cœur vous en dit !