19 novembre 2018

Femmes de théâtre : Charline Porrone, l’art par le partage

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Femmes de théâtre : Charline Porrone, l’art par le partage
Cet article fait partie du dossier Femmes de théâtre

Autrices, comédiennes, metteuses en scènes, costumières, créatrices lumière… ces femmes évoluent dans un milieu qui, comme beaucoup, reflète les oppressions systémiques de la société. Dans cette série « Femmes de théâtre », nous voulons célébrer leur travail et vous le faire découvrir.

En 2014, je m’installais confortablement dans les sièges du Théâtre National de Bretagne à Rennes, pour assister à la générale de Henry VI, de Shakespeare, mis en scène par Thomas Jolly, un spectacle de seulement 18 heures. J’avais quitté la salle complètement sous le choc, après avoir reçu en pleine face une œuvre gigantesque. Un des personnages m’avait particulièrement touchée, celui de la reine Marguerite, épouse d’Henry VI, interprétée par Charline Porrone. J’ai rencontré cette dernière avant une représentation de Thyeste de Sénèque, à la Comédie de Saint-Étienne, et je vous livre aujourd’hui son portrait.

Qu’est-ce que le théâtre ?

« Le fait de se rassembler ensemble au même endroit, spectateurices et acteurices, pour se raconter des histoires, c'est quelque chose que je trouve extraordinaire. »

Quand Charline Porrone parle de théâtre, ses yeux s’illuminent, tout son corps semble crier son amour pour cet art vivant. Il m’était donc impossible de ne pas lui demander ce que représentait le théâtre pour elle :

« L'espace du plateau pour moi est l’espace du vrai, un espace de vérité. [...] Ce rassemblement d'humain·es dans toute leur singularité, dans toutes leurs émotions et toute leur sensibilité. Pour moi le théâtre c'est ça, c'est un lieu protégé, un lieu d'expression sensible des humain·es. »

Espace d’expression, de création, mais surtout espace de connexion et de partage :

« Le fait de se rassembler ensemble au même endroit, spectateurices et acteurices, pour se raconter des histoires, c'est quelque chose que je trouve extraordinaire ; il y a un rapport ancestral, il y a un rapport à l'enfance. Il y a de nombreux genres de théâtre, mais malgré tout, ce qui ne change pas, c'est le fait d’être ensemble au service d'un projet qui est celui de se raconter des histoires, et celui-là, c'est celui des acteurices, de læ metteureuse en scène, de læ costumier·e, de l'éclairagiste et de læ créateurice son, mais en face aussi. C'est-à-dire qu'il y a un travail qui se fait ensemble. Sans les spectateurices, on n'est rien et les spectateurices sans nous ne sont rien non plus dans ces situations-là. Donc je dirais que le théâtre c'est ça : c'est réaliser une utopie humaine. »

Photographie du spectacle Thyeste – © Jean-Louis Fernandez.

L’attrait des planches

Contrairement à beaucoup de comédien·nes, Charline Porrone n’a pas commencé le théâtre enfant. Elle a démarré son parcours avec la musique, dans une école de musique puis un orchestre amateur :

« Ce qui me plaisait dans la musique, c'est ce qui m'a plu dans le théâtre après, c'est comment un groupe de personnes se rassemble à travers un art. C'est à la fois de l'humain et de la technique. »

Un souvenir marquant… en tant que spectatrice

Clôture de l’amour de Pascal Rambert

« C’est une écriture très belle, très singulière, très sèche et qui a été écrite pour les acteurices. On sait très bien que c’est une fiction, mais ça décortique la relation amoureuse ; c'est une clôture, c'est l'histoire d'une fin d'amour où les choses se disent, c’est très très beau. »

Audrey Bonnet et Stanislas Nordey dans Clôture de l’amour de Pascal Rambert – crédits photo : Marc Domage.

Habitante d’un petit village sans théâtre, elle est tout de suite très attirée par cet art, sans pouvoir vraiment le côtoyer : « Je ne savais pas tellement ce que c'était mais j'adorais ça, j'avais une intuition. »

Elle prend des cours en amatrice pendant quelques années, puis, arrivée à l’université, se pose la question du chemin à prendre. D’abord attirée par la musicologie, Charline Porrone décide finalement de suivre le cursus Arts du spectacle à l’Université de Caen.

« Ça m'a fait beaucoup de bien parce que je ne connaissais absolument rien sur l'histoire du théâtre. Je n’avais jamais été voir un spectacle de ma vie, je suis arrivée dans un bain et ça a été assez révélateur, assez magique. »

Un souvenir marquant… en tant que spectatrice

Médée-Matériau mis en scène par Anatoli Vassiliev

« C’est un spectacle qui m'a énormément marquée parce que c'est une expérience, c'est au-delà du théâtre. On ne se raconte pas une histoire, on vit une expérience de spectateurice.. Ce n'est même pas que ça m'a touchée, c'est que ça m'a déplacée en tant que personne et en tant qu'actrice. On sentait que dans l’interprétation de Valérie Dréville, il y avait des couches et des couches de travail, il y avait quelque chose d'extrêmement performatif avec une précision énorme et presque transcendantale. Ce qui m'intéresse aussi énormément, c'est qu'il y avait également quelque chose de l'ordre du rituel ; j'ai eu l'impression d'en vivre l'expérience autour de l'histoire de Médée. Je l’ai vu deux fois. J'ai vu la re-création il y a un an et je l'avais vu il y a huit ans. La première fois et la deuxième fois m’ont marquée différemment mais à chaque fois il y a eu un truc très fort. »

Valérie Dréville – Médée-Matériau – © Jean-Louis Fernandez.

Une rencontre décisive : Thomas Jolly

Charline Porrone a dix-huit ans lorsqu’elle fait la rencontre de Thomas Jolly sur les bancs de l’université.

« Ça a été une très belle rencontre tout de suite. Lui baignait déjà dans le théâtre et moi pas du tout. On s'est retrouvé·es sur un projet : un jeune metteur en scène faisait un master sur Tristan et Iseut, il organisait des auditions et Thomas m'a embarquée là-dedans. On a été pris·es tou·tes les deux et de là, on a plongé assez vite ensemble. On a monté une compagnie étudiante qui a duré trois ans, et puis, plus ça allait plus je découvrais une envie de plateau. Ça s'est évidemment affiné au fur et à mesure. Au début c'était du théâtre, l’envie d'être sur scène et puis, de plus en plus, j'ai trouvé une nécessité beaucoup plus fondamentale, peut-être plus philosophique. »

Charline Porrone (à gauche) et Thomas Jolly (à droite), photographie du spectacle Thyeste – © Jean-Louis Fernandez.

À la fin de l’université, les autres personnes de la compagnie tentent des concours pour entrer dans des écoles de théâtre ; Charline Porrone leur emboîte le pas, sans vraiment croire en cette démarche, même si elle passe par la suite un an à l’école Claude Mathieu à Paris.

« Je n'avais pas envie d'être dans un moule et puis j'avais envie de retourner à Caen parce qu'on avait notre compagnie et que je voulais tout donner pour elle. Je me suis mise à lire beaucoup. Je pense que tout est prétexte à se former et qu’on peut se former par tous les moyens possibles. Il y a des «voies royales» mais qui n'en sont pas, les écoles supérieures, mais on peut se former autrement : il n'y a pas rien ou une école. »

Thomas Jolly, lui, entre à l’école du Théâtre National de Bretagne, mais leurs chemins ne se séparent pas : il met en scène un monologue avec elle comme comédienne, puis elle l’assiste sur une carte blanche sur Jean-Luc Lagarce.

Carte blanche ?

Ce qu’on appelle communément une « carte blanche » au théâtre, ou ailleurs, est un évènement dont la programmation est confiée à quelqu’un·e en particulier, souvent un·e artiste. Certaines cartes blanches peuvent avoir des contraintes de contenu, de budget, de déroulé ou encore de moyens techniques, mais la volonté est de laisser la parole à une personne.

À la fin de sa troisième année, iels montent le spectacle Arlequin poli par l’amour, sur un texte de Marivaux, qui est encore en tournée aujourd’hui dans une nouvelle version, plus de 10 ans après sa création. S’ensuivront plusieurs autres créations au sein de la compagnie, notamment Toâ, de Sacha Guitry, le spectacle qui attire l’œil de la costumière Sylvette Dequest, dont j’ai fait le portrait précédemment.

La famille Piccola

« J'ai la sensation avec mes partenaires d'écrire un bout d'histoire. »

La Piccola Familia, en plein travail sur Thyeste à la FabriquA à Avignon – © Jean-Louis Fernandez.

La compagnie La Piccola Familia existe depuis 2006. C’est une famille artistique chaleureuse et choisie, où chacun·e trouve sa place selon les projets.

« Je vois à quel point j’ai de la chance d'évoluer, de vivre, de grandir dans le théâtre avec cette compagnie. C'est une sorte de famille, mais je ne me sens aucunement pieds et poings liés, je me sens libre d’évoluer dans cette histoire. J'ai la sensation avec mes partenaires d'écrire un bout d'histoire. Parfois je me pose la question : est-ce que je serais restée dans le théâtre si j’avais été seule, une actrice solo ? Quand on vit ça on se dit forcément «est-ce que j'aurais tenu le coup ?» parce que c'est un métier qui peut être difficile. J'aime construire, j'aime solidifier, j'aime bâtir des fondations et je mesure ma chance. Après j'y participe, je la construis, je l’active mais je la mesure aussi. »

Un souvenir marquant

« On a joué Henry VI en 2014, en série à Sceaux et j'ai perdu ma mère. Du jour au lendemain. Le truc pas du tout prévu, l'arrêt cardiaque qui tombe comme ça, une femme en pleine forme. Ça a été une expérience traumatique forte. C'était un jour off et on jouait le lendemain, le surlendemain et le sursurlendemain. C'est là où on mesure toute la puissance d'une équipe, de ce vécu-là, tous ces gens font partie de ma vie. J'ai voulu jouer. J'avais toujours dit que je ne comprenais pas, je me disais "comment font les gens qui perdent un être cher, un·e parent·e, moi je pourrais pas», et ce jour-là je l'ai fait et ça a été très violent. C'est une représentation qui m'a marquée. Ce n'est pas le théâtre coûte que coûte, ça n'a rien à voir avec ça. Ce n’est pas que je pouvais ou ne pouvais pas, c'est que je l'ai fait. »

Quand on entend parler de la Piccola Familia, on entend bien souvent le nom de Thomas Jolly, comme si la compagnie n’existait que par son prisme, aux yeux des moins averti·es. Mais qu’en est-il réellement ?

« Thomas est le commandant du bateau de la compagnie. L'idée est d'être dans un accompagnement artistique et un lien très étroit artistiquement parlant sur les projets. D’abord, c'est lui, il a un désir de metteur en scène, il va monter les projets dont il a envie, dont il rêve. Ensuite, il a une fidélité avec des acteurices donc on se retrouve sur les projets. Les gens ont besoin d'identifier une personne car on a besoin d'avoir un·e référent·e, on a besoin de mettre quelqu'un·e en lumière et il se trouve que c'est Thomas. Et c'est très bien que ça soit lui parce que c'est le meilleur placé pour le faire. Je n'ai aucun complexe, aucun problème avec la question de l'ombre et de la lumière du moment que je me sens cohérente dans le travail... J'ai un désir de reconnaissance de mon travail mais je n'ai pas un désir de lumière ou de communication. »

Photographie du spectacle Richard III. Charline Porrone interprétant la reine Marguerite – © Nicolas Joubard.

À travers ses multiples créations, dont Henry VI, ou plus récemment Thyeste, la Piccola Familia propose un théâtre à la fois classique et résolument moderne.

« On a une vision du théâtre qui justement n’est pas resserrée. Par exemple, en termes de technicité, Antoine, qui est créateur lumière, vient du monde de la musique, des concerts. Il a apporté son savoir-faire issu d’un art plus populaire dans le sens où les jeunes vont plus aux concerts qu’au théâtre par exemple, et la lumière des concerts peut être hyper-dramaturgique, elle peut être une actrice à part entière. On ne s’est jamais dit «on va faire du théâtre classique» ou «on va faire du théâtre pop», «on va faire du théâtre moderne». Il n'y a pas de nom, on ne fige pas le théâtre dans un genre. Je trouve que le théâtre se perd quand il se réduit à une époque ou un style. On est théâtre, on fait théâtre. »

La compagnie se compose d’individualités au service de projets créés pour tou·tes, permettant à chacun·e de s’épanouir.

« Ce qui me touche, ce sont les histoires et comment on les raconte, comment je les raconte moi en tant qu'actrice, comment je prends en charge ce texte-là avec ce que je suis. »

La Piccola a commencé à créer en équipe resserrée, et c’est avec Henry VI qu’elle s’est réellement ouverte à l’extérieur :

« On avait notre compagnie depuis cinq ans, on avait beaucoup tourné avec Arlequin et avec Tôa, un peu avec Piscine et on a eu besoin à un moment de s’ouvrir. On était dans un entre-soi. Henry VI lui [NDLR : Thomas Jolly] est tombé dessus, c'était l'occasion. Ça a structuré la compagnie parce qu'on s'est rendu compte à travers les yeux des gens qu'on rencontrait, qu'on était solides, qu'on avait des choses à faire ensemble et des choses à donner, qu’on pouvait embarquer des gens avec nous. Une petite famille qui peut grossir comme un accordéon selon les projets. Ça a assis quelque chose. »

Photographie du spectacle Henry VI, avec Charline Porrone, dans le rôle de la reine Marguerite, au centre. Derrière elle, de gauche à droite : Damien Avice (William de la Pole, comte puis duc de Suffolk), Éric Challier (Richard Plantagenêt, duc d’York) et Bruno Bayeux (Beaufort, le cardinal Winchester). © Nicolas Joubard.

L’expérience Henry VI, une aventure hors du commun

« Henry VI, ça a été extraordinaire mais vraiment extra-ordinaire, hors de l'ordinaire. »

Après des années de travail, de recherche, de création, le premier cycle de Henry VI sera créé en 2012 au Trident – Scène nationale de Cherbourg-en-Cotentin et le deuxième en 2014, lors que la pièce sera présentée au Festival d’Avignon dans son intégralité.

Henry VI

Pièce de William Shakespeare écrite vers 1590, Henry VI relate l’histoire du roi éponyme à travers la guerre de Cent Ans et celle des Deux-Roses notamment. Roi d’Angleterre, il est couronné à huit ans en 1429, après avoir succédé à son père dès 1422 à l’âge de neuf mois. Deux ans après, il est également couronné roi de France, royaume qu’il perd pendant la guerre de Cent Ans en 1453. En 1461, il se voit aussi dépossédé de celui d’Angleterre quand son cousin, Édouard d’York, de la famille Plantagenêt, prend le pouvoir. Il retrouve le trône un an après, mais pour une courte période, puisqu’il est assassiné quelques mois plus tard.

Cette œuvre est composée de trois parties, mais est souvent pensée dans une tétralogie avec Richard III, qui est sa suite directe.

Une représentation complète dure 18 heures (en incluant les entractes, au total, ce sont 13 heures de théâtre pur) et met en œuvre et en scène une trentaine de personnes. Expérience totale et fulgurante, elle a marqué des milliers de spectateurices, mais aussi l’équipe grâce à laquelle le projet a pu voir le jour :

« De manière générale, Henry VI m'a marquée à vie et me marquera à vie. Jouer une femme qui débarque à 15 ans et qui à la fin en a 50, c'est ce qui m'a marquée. [...] Henry VI, ça a été extraordinaire mais vraiment extra-ordinaire, hors de l'ordinaire. C'est tout ce qui me plaît dans le théâtre : ça dépasse le cadre du théâtre. C'est une aventure pour les spectateurices mais aussi pour les acteurices. Celleux-ci sont obligé·es dans cette forme-là de se décentrer et j'avais trouvé ça extraordinaire. Être en robe de reine avec une couronne et de bouger des décors derrière, c'est extraordinaire, on ne se pose pas la question une seconde de son rôle, de comment on est. »

Un souvenir marquant

En 2014, au Théâtre National de Bretagne à Rennes, après plus de dix heures de spectacle, Charline Porrone a une extinction de voix.

« C'était une expérience traumatique de théâtre. C’est la première fois en 15 ans et c'est la seule fois où je me suis retrouvée coupée. C'était la toute fin d’Henry VI. C'est la première fois de ma vie où, d’un seul coup, ma voix se brise complètement. Il y avait un monologue, le dernier monologue de Marguerite qui réveille ses soldats et alors qu'elle sait très bien qu'elle va mourir et que tout le monde va y mourir, mais coûte que coûte on y va. Là-dessus, je perds ma voix. Ensuite il y avait la scène de la guerre,et après il y avait la mort de mon fils. J'ai perdu ma voix sur le monologue et, après la guerre, arrivée à la fin, j’arrive, et là on tue mon fils devant mes yeux, et je retrouve ma voix, à la toute fin. C’est la magie du théâtre. »

Pour Charline Porrone, cette création a été un réel défi. Déjà comédienne depuis de longues années, elle se voit proposer un rôle essentiel, une partition cruciale.

« Je jouais Marguerite, c'était énorme. Au tout début de la création, je n'étais pas prête, j'avais très peur que le rôle m'écrase. Je me sentais jeune et je l'étais, j'avais peu d'expérience malgré tout, je n'avais pas fait d'école supérieure… J'étais aussi dans cette question de légitimité. Henry VI m'a apporté la légitimité d'actrice. »

Charline Porrone dans le rôle de la reine Marguerite, photographie extraite du spectacle Henry VI – © Nicolas Joubard.

Le rôle de Marguerite, en plus de lui apporter cette légitimité, a permis à Charline Porrone de revoir son rapport aux rôles qu’elle interprète :

« Avec Henry VI j'ai découvert la question de l'empathie de l'acteurice. Marguerite a existé, certes, ça a été fictionné, mais tu dis ses mots et tu as de l'empathie pour ce qu'elle dit. Tu ressens forcément si tu es en empathie, et læ spectateurice l'est aussi. Ça a commencé avec Henry VI cette question-là, cette espèce de distance, pas une distance froide au contraire, c'est une distance pleine d'émotions, empathique. »

Un souvenir marquant

« Au début d’Henry VI, Thomas savait qu'il voulait travailler avec certaines personnes, pour certaines sans savoir dans quel rôle les mettre, comme Damien Avice. Dans l’histoire de Marguerite, il y a son amant. Son mari, c’est Henry VI, et Thomas savait que ça serait Thomas Germaine. Son amant, le comte de Suffolk, était une grosse partition. Thomas ne savait pas qui le jouerait donc il a fait passer des auditions. Je me souviens de toute une journée où moi je disais le texte et puis hop il y avait un défilé d'amants. Damien était là pour lire d'autres choses, et Thomas ne l'avait pas forcément vu en Suffolk. À la fin de la journée Thomas dit "on va finir, Damien tu as qu'à le faire, lis Suffolk". On était dans une salle de répétition au Théâtre de l’Odéon, assis·es à une table. On était côte à côte et on lit ce texte. Et là : une puissance émotionnelle, une rencontre de plateau, une rencontre de théâtre extraordinaire. C'était la scène de séparation de Marguerite et Suffolk. Le théâtre d'un seul coup prenait tout son sens. Cette voix, cette présence, il y avait un truc qui a matché tout de suite, très très fort. C'était magique. À un moment donné ce sont les natures des acteurices qui décident presque de la distribution, et comme Thomas y est très sensible, il a assisté à ça, on a tou·tes assisté à ça, moi-même j'y assistais tout en en étant dedans et ça a été magique. »

Photographie extraite du spectacle Henry VI. À gauche, Charline Porrone interprétant la reine Marguerite, à droite, Damien Avice interprétant William de la Pole, duc de Suffolk. © Nicolas Joubard.

Éprouver par le théâtre et créer ensemble : un travail avec les publics

« J'ai du mal à envisager mon métier de comédienne uniquement en étant sur un plateau et je ne peux pas envisager de faire des ateliers et ne pas être sur un plateau. Ça se nourrit, en moi j'ai toute la question de la transmission quand je vais sur scène. »

L’action culturelle, la médiation, ce sont des projets à part entière. Un·e comédien·ne ne souhaitera pas forcément être pédagogue, même si ce sont des choses de plus en plus imposées aux équipes artistiques, par les financeureuses notamment. Charline Porrone, elle, situe cette médiation réellement au sein de son développement artistique.

« J’ai pris ces ateliers comme un outil de travail et non comme un travail. C'est quelque chose qui me guide encore aujourd'hui parce que je suis très sensible à la question de la transmission qui n'est pas celle d'un savoir, mais qui est plutôt une transmission de «comment», de réfléchir ensemble et en actant, de réfléchir ensemble sur un plateau. On est ensemble, on a un texte, comment on fait ? J'aime me mettre au service d'un projet et ça c'est un truc que j'aime transmettre à des étudiant·es, des amateurices, des enfants. »

Avec Julie Lerat-Gersant, qui fait également partie de la Piccola Familia et qui est aussi autrice, Charline Porrone a travaillé en centres d’accueil maternel. Ce sont des espaces destinés à accueillir des mères avec leurs enfants de moins de 3 ans, la plupart du temps lorsqu’il y a un souci dans leur relation. Cela peut être pour des questions financières, ou peut concerner des mères sous main de justice par exemple, que l’on place dans ces centres pour les aider à se construire et réapprendre la relation avec l’enfant, plutôt que de le lui retirer. Ces centres accueillent aussi des mères adolescentes, parfois sur des antennes spécifiques.

« On a fait une immersion, six centres d'accueil en six semaines. Quand on est arrivées, on a commencé à faire des ateliers. Il y a eu une jeune femme qui suivait les ateliers et au troisième jour elle a raconté toute son histoire par écrit. Ça a été très dur pour elle, ça a été très émouvant pour tout le monde. L'éducatrice après nous a dit «On attendait ça». C'est une femme qui commençait à vraiment se trouver mais il fallait qu'elle formule, par écrit ou par oral, ce qu’elle n’avait jamais fait. Il y avait un blocage et là elle l'a surmonté. Je ne me considère jamais comme thérapeute, en revanche effectivement à travers le théâtre, à travers l'écriture, je travaille sur de l'humain, sur de l'émotion. Il y a des choses qui s'éprouvent d'une autre manière. »

Passer par un biais artistique permet aussi de prendre plus de libertés, de jouer avec la réalité, et de parfois ainsi pouvoir se confier plus facilement, et s’ouvrir plus : «  La question artistique permet qu'on ne sache jamais si c'est vrai ou pas et c'est ça qui me plaît aussi au théâtre. C'est le lieu de tous les possibles. »

L’idée était de proposer un projet qui offre une ouverture culturelle au sein de ces centres, et de rencontrer les femmes qui les fréquentent, en plaçant la structure sous le signe de la lecture et de l’écriture pendant une semaine.

« On s’est dit qu’il y avait possiblement des choses à éprouver artistiquement. On a fait des ateliers d'écriture avec les mamans, des petits temps mamans-enfants avec des lectures de contes aussi. On arrivait avec une lecture-spectacle, pendant une soirée on imposait au centre une soirée sans les enfants, ce qui n'était pas toujours facile. Grâce au travail des encadrant·es qui nous ont beaucoup accompagnées, on a vécu des soirées magnifiques. On lisait Ne t’inquiète pas pour moi d’Alice Kuipers, une correspondance par post-it entre une mère et sa fille. Une histoire un peu dure mais c'est là tout le rapport mère-fille. On a fait de nombreux d'ateliers d'écriture brute, on faisait très peu de réécriture et on a vécu des moments assez beaux de dépassement. C'est de la poésie brute, c'est-à-dire qu'à un moment donné on se rend compte que les mots sortent direct de là [NDLR : en montrant son cœur], ne passent même plus par la tête. On obtient donc quelque chose d'hypersensible, hyper-humain. Ça s'est clos en deux soirées où on a fait une lecture mise en espace avec la Piccola pour faire entendre ça. Ça a été une très très grosse et belle expérience. »

« La plupart des gens disaient «mais moi j'écris pas», mais très vite on se rend compte que tu écris des SMS : c'est de l'écriture, une correspondance par SMS ça peut exister. Entre les SMS, les cartes postales, les mails, à partir même d'une écriture de mails de bureau à un·e collègue on peut partir dans une fiction, on peut aller très loin, on peut développer toute une histoire. On peut se raconter des histoires à partir de tout. Au début, ce n'était pas facile mais on avait développé des exercices d'écriture qui faisait qu'en fait les gens ne s'apercevaient pas qu'ils écrivaient. De l'écriture automatique où tu remplis des cases et puis à un moment donné tu lis ces cases que tu as rempli et tu les agences. Il y avait des gens qui écrivaient trois ou quatre pages, qui écrivaient le soir et qui revenaient en disant «j'ai travaillé un texte». Tout ça, c'était une libération dans l'écriture. Ce sont des endroits où on ne peut pas passer à côté de la fragilité de la vie, la fragilité des gens, et c'est en allant dans cette fragilité qu’on arrive à s'ouvrir et puis à créer ensemble des choses artistiques qui témoigne aussi de difficultés, parce qu'il y a un nombre de gens qui rencontrent d’immenses difficultés. »

Pour Charline Porrone, la pierre angulaire du travail avec les publics est de créer ensemble, d’arriver en laissant la place à l’autre de s’inscrire pleinement dans le projet.

« Aujourd’hui je travaille en hôpital psychiatrique de jour, avec des adolescent·es. J’arrive avec une thématique et je leur dis «j'ai envie qu'on travaille là-dessus, en revanche je n'ai aucune idée de ce qu'on va faire». Évidemment j'ai des moteurs, mais moi ce que j'aime c'est le live, de partir d'un petit truc, de tirer le fil, d'aller tirer une proposition dans une fiction pour faire naître quelque chose que la personne parfois ne soupçonnait pas ou dont elle avait envie depuis toujours. L'année dernière j'ai monté un spectacle avec des ados sur les héros et on a mélangé du théâtre et de la vidéo parce que pour certain·es d’entre elleux ce n’était pas possible d'être sur un plateau, donc on a trouvé les moyens de créer quelque chose. Tout est prétexte à la création, à retrouver un peu l'utopie de l'être ensemble total dans un endroit privilégié en dehors de tout, même si les problématiques restent là de toute façon. »

« Tout est prétexte à la création, à retrouver un peu l'utopie de l'être ensemble total. »

Cassandre : toutes ces femmes que l’on ne croit pas

« C'est quelque chose qui m'intéresse énormément au théâtre, la parole brute. Retranscrire mot-à-mot totalement, et travailler sur un «dire», trouver un équilibre pour faire résonner ces mots-là. »

En région parisienne, dans la ville de Sevran existe le Théâtre de la Poudrerie. Celui-ci a ceci de spécial qu’il n’a pas de murs ! Son programme culturel se base donc sur de la décentralisation, dans les villes alentours notamment, mais aussi en appartement, directement chez les habitant·es. Son équipe développe un énorme travail sur le territoire, sur lequel sont régulièrement invité·es à travailler des metteureuses en scène. La directrice, Valérie Suner, invite des artistes qui la touchent, en essayant d’élargir au maximum les horizons géographiques.

Charline Porrone monte un premier spectacle avec Julie Lerat-Gersant, L’Affaire Richard, une pièce-polar autour de l’histoire de Richard III, une pièce qui était montée par la Piccola Familia. Après ce premier projet, Valérie Suner propose à Charline Porrone de revenir et de créer une forme en appartement, sur la thématique de la femme, à partir de témoignages de personnes du territoire.

« Au départ je me suis beaucoup questionné sur la thématique : de quoi ai-je envie de parler et surtout qu’ai-je envie de partager déjà dans un premier temps sur ces fameuses campagne d'écoute. Qu'est-ce que j'ai envie d'écouter ? Qu'est-ce que j’ai envie d'entendre ? Qu'est-ce que j'ai envie de partager avec les gens ? J’étais déjà en plein dans Thyeste, j'avais fait un laboratoire autour des troyennes, j'avais monté Agamemnon avec des amateurices : j'étais complètement dans l'univers mythologique. J'ai découvert le personnage de Cassandre, ce mythe de la femme qui voit l'avenir, qui dit des choses vraies et qui n'est jamais crue. D'abord pas crue et puis ensuite pas entendue, alors que tout ce qu'elle a prédit est vrai. J’avais envie de partir du mythe parce que c’est quelque chose de solide et de rassembleur. C'est ce qui va me permettre de partir du général, un mythe ancestral et global, pour essayer de rencontrer des gens dans leur intime. Avec Julie, on est allées à la rencontre de beaucoup de personnes en racontant ce mythe. »

Le mythe de Cassandre

Cassandre est une figure mythologique grecque. Fille du roi de Troie, elle est courtisée par le dieu Apollon qui lui propose un marché : il lui accordera le don de prophétie si elle accepte d’avoir une relation sexuelle avec lui. Cassandre acquiesce, reçoit le don mais se refuse au dieu. Furieux, il lui crache dans la bouche, scellant la malédiction : elle verra bien le futur, mais ne sera jamais crue quand elle en parlera. Au fur et à mesure de ses visions, elle sera de moins moins écoutée. Pourtant, elle prédit la chute de Troie, l’enlèvement d’Hélène, le subterfuge du cheval, la mort d’Agamemnon et même sa propre mort, avec justesse.

« Ce mythe me parle. Pourquoi existe-t-il encore de nos jours ? Bizarrement c'est un mythe qu'on connaît vaguement. Dans toutes nos années collège-lycée, quand on aborde la mythologie, on va savoir tout de suite qui est Hélène de Troie, par exemple : c'est la plus belle femme du monde. Elle, tout le monde la connaît, en revanche celle qu'on ne croit pas, on ne la connaît pas très bien. C’est louche. »

Partant de ces questions, Charline Porrone et Julie Lerat-Gersant se sont mises en quête du visage de Cassandre.

« On a eu la possibilité de travailler en partenariat avec le Musée du Louvre. Nous avons rencontré Françoise Feger, du département démocratisation culturelle et territoriale. On souhaitait savoir ce qu’il y avait sur Cassandre. Elle a fait une recherche dans les collections et là… on découvre cinq œuvres mineures, pas une seule de grand maître. 350 000 œuvres au Louvre et presque rien sur Cassandre... »

Charline Porrone avait déjà en tête une scénographie reprenant le portrait de Cassandre, alors comment faire ?

« À quoi ressemble le visage d'une femme qui dit la vérité et qu'on ne croit pas ? Je cherchais et en fait il n’existait pas. Du coup on est allées dans le Louvre chercher notre Cassandre. Françoise avait ciblé ce qu’on voulait et nous a présenté deux œuvres. La première, c’était la Jeune orpheline au cimetière d’Eugène Delacroix, un portrait magnifique. On s’est dit «c’est elle». Après on s’est dit : pourquoi ne pas travailler avec un deuxième portrait ? On est donc tombées sur la Folle monomane du jeu de Théodore Géricault. On s’est dit que c’était Cassandre vieille. Dans la mythologie, elle meurt jeune, mais c’était important de réfléchir à comment devient une femme qui n’est pas crue. »

Jeune orpheline au cimetière, Eugène Delacroix, vers 1824. / La Folle Monomane du jeu, Théodore Géricault, entre 1819 et 1824.

« À partir de ça, on a rencontré des gens. On a récolté plein de témoignages, plein d'anecdotes de femmes qui vont affronter des expériences propres, ou raconter celle de quelqu’un·e de leur famille, de leurs enfants... On a retrouvé Cassandre dans plein de situations différentes et on a construit un spectacle à partir de témoignages bruts. C'est quelque chose qui m'intéresse énormément au théâtre, la parole brute. Retranscrire mot-à-mot totalement, et travailler sur un «dire», trouver un équilibre pour faire résonner ces mots-là. D'un seul coup ils prennent un tout autre sens, ils prennent un sens véritable. »

À partir de ces témoignages, mais aussi de situations dont elles ont eu connaissance autrement, à travers la presse notamment, Charline Porrone et Julie Lerat-Gersant écrivent un spectacle, entre témoignages et fiction.

« Jouer dans des appartements c'est quelque chose de très singulier. On est au théâtre et en même temps on est chez les gens. On arrive avec le théâtre dans un lieu autre. On n'a pas la barrière, on n'a pas le quatrième mur. »

Le quatrième mur

Le quatrième mur est un terme de théâtre faisant référence à un mur imaginaire entre les spectateurices et les comédien·nes, comme si les acteurices jouaient dans une pièce fermée, avec un mur invisible pour que les spectateurices puissent voir la scène. Celui-ci induit que ce qui se passe sur scène n’a pas de conscience de ce qui se passe dans le public, provoquant ainsi du réalisme dans le jeu, ce qu’on peut appeler « l’illusion théâtrale ». Ce quatrième mur est parfois inexistant, quand le spectacle est en constante interaction avec le public, ou « brisé » volontairement par la mise en scène. On retrouve ce concept dans d’autres arts, par exemple au cinéma quand le personnage s’adresse directement à la caméra, comme Deadpool, qui dans la bande dessinée est parfaitement conscient d’être en dialogue direct avec læ lecteurice. Un épisode de Community, Fourth Wall, explore même ce concept !

La thématique de ce spectacle, très actuelle, résonne notamment avec tout le mouvement #MeToo non ? « Énormément » me répond Charline Porrone. Il y a même une scène où les comédiennes montent les marches du Festival de Cannes dans le spectacle, « elles finissent avec la bouche scotchée, c'est un clin d'œil à l'affaire Weinstein. »

Photographie du spectacle Cassandre – © Thomas Cartron.

Dans le spectacle, on retrouve aussi des témoignages de femmes ayant vécu des situations similaires, rappelant parfois fortement le mythe lui-même, comme celle qui, refusant d’avoir une relation avec son patron, perd son travail et n’arrive plus à en retrouver un à cause de la réputation que celui-ci lui a construit.

« Ça résonne fortement mais c'est quelque chose que je n'ai pas la sensation de vivre dans mon quotidien. Je pense que je suis dans une bulle, dans un milieu malgré tout ultra protégé. Je ne dis pas que le théâtre ou le cinéma l'est, la preuve, mais moi dans ma manière de vivre aujourd'hui mon métier avec cette compagnie, je ne le ressens pas. En revanche je ne suis pas dupe, je sais que ça existe, je le vois et je le sens. C’est aussi pour ça que je suis partie du mythe, je n'avais pas envie de partir d'une histoire parce que moi personnellement je n'en ai pas. »

Le milieu du théâtre et les femmes

« Le ressenti d'une femme ne correspond pas aux quotas. »

« Dans Cassandre, j'avais envie de parler d'aujourd'hui mais au-delà même des faits, au-delà des anecdotes, des trucs précis, la question c'est aussi le ressenti. Aujourd'hui, par exemple sur la question de la parité, on la respecte de plus en plus : dans les théâtres, à la direction ou dans la fonction publique... Il faut toujours un quota donc les quotas sont respectés. Dans les faits il n’y a donc pas de souci… Mais le ressenti d'une femme ne correspond pas aux quotas, même si une femme peut être à la direction et qu’elle peut avoir le même salaire. Ça va prendre du temps. J'avais envie de parler de cela, de ce qu’il en est du ressenti au-delà des faits et des quotas au-dessus, de ce rééquilibrage pragmatique. »

Si Charline Porrone s’estime chanceuse de ne pas subir ce sexisme et la violence du milieu, elle n’est pas pour autant inattentive à ce qui se passe.

« La femme est là de fait. Je vois énormément d'avancées dans le théâtre mais je pense qu'il y a encore du boulot. Je suis protégée donc j'ai du mal à le voir mais je le sais et, malgré tout, je le vois. J'ai la chance de n'avoir aucun rapport de séduction sexué et sexiste dans ma vie d'actrice et de femme mais je l’observe ailleurs. »

Le rôle qu’elle aimerait jouer

Quand on est passionné·e de théâtre, il y a toujours un rôle, une pièce qui nous touche particulièrement et qu'on voudrait pouvoir interpréter, j’ai donc demandé à Charline Porrone quel était le rôle qu’elle aimerait jouer.

« J’aime beaucoup les rôles d'accompagnant·e, de nourrice par exemple. Je les trouve en général forts, il y a une puissance qu'on ne voit pas forcément à la première lecture. Évidemment Médée, évidemment. Après j'aimerais bien jouer des choses un peu plus légères. Mais moi j'aime les rôles de femmes fortes, de femmes ultra-vivantes… et puis Thomas est un metteur en scène qui aime beaucoup les figures féminines fortes et puissantes, et à chaque fois que l'on a monté un spectacle avec lui, les femmes ont eu un rôle majeur. J'aimerais aussi porter la parole des femmes dans tout ce qui est la question testimoniale, de continuer et de pouvoir traverser des mots, des mots de gens, de la vie, de gens de tous les jours aussi, pas uniquement l'écriture théâtrale. »

Je remercie Charline Porrone de m’avoir accordé cet entretien. À bientôt pour un nouvel opus de Femmes de théâtre ! En attendant, rendez-vous sur le site Web de la Piccola Familia pour découvrir leurs dates de tournée. Vous pouvez aussi découvrir le spectacle Thyeste en intégralité sur Culturebox jusqu’au 11 janvier 2019 (attention, certains événements du spectacle sont violents, il est notamment question d’assassinats d’enfants, et de faire manger leurs corps à leur père).