6 mai 2017

Journée internationale sans régime : pourquoi les régimes c’est de la merde ?

Journée internationale sans régime : pourquoi les régimes c’est de la merde ?

Régime hyperprotéiné, régime hypocalorique, régime dissocié, « rééquilibrage alimentaire », soupe au chou, compléments alimentaires… L’été arrive bientôt, et avec lui, toute la clique des régimes « pour avoir le corps mince qu’il faut pour se pavaner à la plage ». Déjà ça commence bien : une injonction à la minceur, pour ne pas changer de l’habituel marronnier printanier-estival. Mais au-delà de ça, saviez-vous que les régimes sont en réalité bien moins efficaces qu’on essaie de nous le faire croire ? En cette Journée internationale sans régime, voici quelques pistes pour comprendre.

Nous n’allons pas nous mentir : nous avons presque tou·tes essayé un ou plusieurs régime(s) en espérant perdre un peu de notre ventre, un peu de notre cellulite, un peu de nos cuisses et nos hanches qui nous ont tant complexé·es (ou nous complexent encore), ou parce qu’on nous a brandi la fameuse menace de la trinité du surpoids, j’ai nommé hypertension/diabète/arthrose. Yes, I feel you…

Et comme chaque année, les publicités à la télévision ou dans les magazines commencent à envahir notre espace. Ces publicités qui nous promettent des pertes de poids spectaculaires grâce à un régime miracle ou à un rééquilibrage alimentaire (un autre terme pour dire « régime »). Ah ! Si seulement c’était aussi simple…

Parce que ce n’est pas aussi simple justement : en 2010, une étude de l’Agence Nationale de Sécurité Alimentaire (ANSES) a non seulement démontré l’inefficacité à long terme des régimes amaigrissants, mais également les risques qu’ils peuvent engendrer sur notre santé en général [1].

Les régimes engendrent des déséquilibres nutritionnels

Le principe d’un régime repose sur la modification des apports alimentaires en une ou plusieurs phase(s). On agit sur plusieurs paramètres, comme la quantité d’énergie (la diminution des calories absorbées pour les régimes hypocaloriques) ou encore la composition en macronutriments (par exemple riche en protéines pour les régimes hyperprotéinés, faible en glucides pour les régimes hypoglucidiques). Cela va même jusqu’à bannir totalement certain·es aliments ou catégories d’aliments pour une durée variable.

Le problème ? Ça modifie les apports nutritionnels par rapports aux besoins nutritionnels moyens et aux apports nutritionnels conseillés.

Petites définitions pour comprendre

  • Besoin nutritionnel moyen (BNM) : apport alimentaire nécessaire à un·e individu·e pour ne pas souffrir de carences. Le besoin nutritionnel moyen a été calculé auprès d’un groupe représentatif d’individu·es de même sexe et de même âge. Ce concept porte sur l’individu·e.
  • Apports nutritionnels conseillés (ANC) : apport alimentaire en nutriments, vitamines, glucides, lipides, acides aminés, fibres ou protéines. L’ANC est le besoin nutritionnel moyen mesuré sur un groupe d’individu·es qui permet de couvrir les besoins de la plus grande partie de la population (97,5 % des individu·es). L’apport conseillé concerne donc une population.

Le rapport de l’ANSES montre que dans 80 % des phases de régimes, l’apport en protéines est supérieur à l’ANC. Pour 74 % des phases de régimes, les apports en fibres sont inférieurs à l’ANC.

En ce qui concerne les minéraux et les vitamines, le BNM en fer n’est pas couvert pour 61 % des phases de régimes étudiées chez la femme adulte. La moitié des régimes étudiés proposés aux femmes correspondent à des apports en magnésium inférieurs au BNM.

Au contraire, les apports en sodium sont supérieurs à la limite recommandée par l’OMS (5 g de sel par jour, soit près de 2 g de sodium), pour 58 % des phases de régimes.

Pour la vitamine C, 26 % des phases de régimes ne couvrent pas le BNM ; pour la vitamine D, 77 % des phases de régimes et pour la vitamine E, 35 %.

De tels déséquilibres peuvent avoir des conséquences sur l’organisme.

Les régimes et l’effet yo-yo

L’effet yo-yo (du nom du jeu) est l’une des conséquences visibles des régimes amaigrissants à répétition. Les modifications alimentaires dans ce cadre sont souvent la cause du « cercle vicieux » d’une reprise de poids, éventuellement plus sévère, à plus ou moins long terme. 80 % des régimeureuses reviennent à leur poids d’avant régime en un an. Au bout de 5 ans, les régimes sont un échec pour au moins 95 % des cas. Paradoxalement, plus on fait de régimes, plus on favorise la reprise de poids.

Une personne grosse jette des livres de régimes à la poubelle.

Les risques rénaux, cardiaques et osseux

Je ne veux absolument pas vous effrayer ou vous faire faire des cauchemars, mais les risques pour la santé physique sont bien présents :

  • diminution de la masse osseuse et augmentation des risques de fractures ;
  • perturbations des systèmes endocrinien (hormones), reproducteur et immunitaire ;
  • perte de la masse musculaire (et reprise de masse grasse en revenant au poids initial en l’absence d’activité physique régulière) ;
  • diminution du métabolisme de base ;
  • risques cardio-vasculaires dus à la fluctuation du poids et aux carences en minéraux ;
  • insuffisance rénale causée par de trop importants apports en protéines ;
  • troubles digestifs dus au manque de fibres ;
  • ainsi que d’autres conséquences sur le métabolisme.

Conséquences psychologiques

Effectuer un régime, c’est se mettre en état de restriction cognitive.

« La restriction cognitive consiste à manger sans tenir compte des informations que nous fournit notre organisme par le moyen des sensations de faim et de satiété. » (Groupe de Réflexion sur l’Obésité et le Surpoids, GROS)

Cette restriction cognitive tend non seulement à court-circuiter les signaux physiologiques de faim et de satiété, mais elle peut également induire une perturbation du comportement alimentaire (conduisant à des troubles alimentaires compulsifs) qui aura pour conséquence une reprise du poids par effet yo-yo.

Dans le chapitre « Les déterminants psychologiques de l’obésité » de l’ouvrage Médecine de l’obésité, Michelle Le Barzic (psychologue clinicienne au service de Médecine et Nutrition de l’hôpital Hôtel-Dieu à Paris) explique comment les échecs à répétition des régimes amaigrissants peuvent conduire à la dépression et la perte de l’estime de soi, mais également à des troubles alimentaires. Sans oublier les stigmatisations répétées à l’égards des personnes grosses. Le schéma ci-dessous montre les mécanismes du « cercle vicieux pondéral » [2].

Conséquences chez les populations particulières

  • Chez les enfants et adolescent·es : outre les risques de troubles alimentaires compulsifs qu’ils peuvent engendrer, les régimes entrepris à ces âges-là peuvent avoir pour conséquence un ralentissement de la croissance et du développement pubertaire.
  • Chez les femmes enceintes : il y a peu de données sur les conséquences d’un régime amaigrissant chez une femme enceinte. Ce que l’on sait en revanche, c’est qu’une restriction alimentaire au cours de la grossesse peut entraîner un retard de croissance chez le fœtus ou une naissance prématurée. Un régime entrepris au cours du 2e ou 3e trimestre de grossesse peut également avoir des conséquences sur la santé du nouveau-né.
  • Chez les personnes âgées : les régimes amaigrissants peuvent aggraver les risques cardiaques chez les femmes après la ménopause (à cause du déficit en minéraux).
    Les données suggèrent que l’impact négatif de la perte de poids est plus marqué chez les personnes âgées en ce qui concerne le risque de récidives de tumeurs colorectales, l’évolution des escarres, et surtout la perte de masse musculaire et la minéralisation du squelette.

Conclusion de l’étude ?

Elle est sans appel :
« Toutes les manipulations du régime alimentaire […] dans le but d’une perte de poids peuvent exposer à des risques importants pour la santé. Aussi, tous les régimes amaigrissants, qu’ils portent ou non un nom spécifique, sont à éviter, en dehors d’une prise en charge par des professionnel·les de santé. »

Bien entendu dans certaines situations d’obésité, de surpoids ou de prise de poids importante, il peut être nécessaire de perdre du poids. Dans ces cas précis, il faudra un diagnostic des causes de la prise de poids. Il faudra ensuite un accompagnement par des médecien·nes, des diététicien·nes ainsi que des psychologues, que ce soit dans des centres spécialisés pour les personnes en surpoids ou en obésité, ou dans le cadre d’un parcours de chirurgie bariatrique (qui vise à restreindre l’absorption des aliments, comme l’anneau gastrique).

Pourquoi un International no diet day ?

Le ruban bleu, symbole de la Journée internationale sans régime (source).

La Journée internationale sans régime a été créée en 1992 par Mary Evens Young, une diététicienne anglaise et ancienne anorexique. Elle souhaitait ainsi dénoncer le culte de la minceur et les dangers des régimes amaigrissants. C’est à partir de 2003 que cette journée est célébrée en France, grâce à l’action de l’association anti-grossophobie Allegro Fortissimo.

Peu à peu, depuis l’étude de l’ANSES de 2010 à ce sujet, les régimes amaigrissants sont remis en cause et de plus en plus de diététicien·nes s’accordent sur la nécessité de la rééducation alimentaire, c’est-à-dire de réapprendre à manger sans culpabilisation et surtout en prenant en compte ses sensations de satiété.

En cette Journée internationale sans régime, je rappelle que pour toute démarche de perte de poids, il est nécessaire d’être entouré·e par des professionnel·les de santé. Ceci afin d’éviter les carences en nutriments et les risques pour l’organisme, surtout pour les populations fragiles. Je rappelle également que l’essentiel pour être en bonne santé est de manger le plus possible équilibré (je sais que ça peut être compliqué quand on n’a pas les moyens financiers) et d’avoir une activité physique régulière (l’équivalent de 30 minutes de marche par jour est suffisant). Plus de bienveillance et moins de body-shaming envers nos corps et nous-mêmes, c’est la clef pour aller mieux.

Notes de bas de page

[1] Rapport élaboré par le groupe de travail « Évaluation des risques liés à la pratique de régimes à visée amaigrissante », 2010, Évaluation des risques liés aux pratiques alimentaires d’amaigrissement (édition scientifique) ANSES, 2011, Quels sont les risques liés aux pratiques alimentaires d’amaigrissement ?

[2] LE BARZIC M. (2004) Les déterminants psychologiques de l’obésité dans Médecine de l’obésité (Basdevant A.et Guy-Grand B.) pp. 59-67.

Pour aller plus loin

Les régimes hyperprotéinés sont-ils dangereux pour les reins ?

Articles du GROS :

Conférence TED de Sandra Aamodt, « Pourquoi les régimes ne fonctionnent pas en général ? »
Vidéo (avec sous-titres en français) et transcription écrite en français.

Le livre d’Ariane Grumbach, diététicienne, La gourmandise ne fait pas grossir ainsi que son blog L'Art de manger.