2 février 2017

La culpabilisation écologique

La culpabilisation écologique

Parlons un peu aujourd’hui d’écologie et de ses impacts à différentes échelles, si vous le voulez bien. Le sujet étant assez large, nous nous astreindrons pour l’instant à l’effort métropolitain français des entreprises, des particuliers et des instances officielles.

Déjà, de quoi on parle quand il s’agit d’écologie ? Des ours polaires sur la banquise ? De la disparition des abeilles ? Des OGM ? Des pics de pollution dans nos grandes villes ? Il y a un peu de ça, mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. Ce sont des sujets que les médias mettent en avant car ils savent très bien que l’échelle et la proximité jouent énormément sur l’affect et la considération de ces problèmes par le public. Autrement dit, plus ça vous concerne directement, dans votre quotidien, plus vous en entendrez parler. Et ça tombe bien, puisque nous allons parler de la France métropolitaine, de son envie de nous rendre tous verts écolos tout en démontant quotidiennement les efforts qu’elle nous réclame.

Il est tout à fait possible de faire des efforts individuels tout en se questionnant et en militant sur des modifications à plus grande échelle. Qui va alerter les populations si ce ne sont les individu·es, ne serait-ce que dans leur entourage proche et professionnel. Mais le manque d’actions à l’échelle nationale (et européenne) tend à saper les gestes écolos des particuliers. Alors, lorsque les médias (publicités de consommation, organe du gouvernement, des localités) tentent de culpabiliser leur public en leur faisant croire qu’iels sont les uniques responsables de la pollution et dès lors, de la solution verte, j’ai tendance à un peu grincer des dents.

Tout ceci mène à l’idée suivante : sans une poussée nationale, à grande échelle, les efforts de chacun·e n’auront jamais un impact suffisant pour améliorer la situation écologique. Même dans une logique capitaliste où l’offre peut venir de la demande, et où l’on peut se dire que les petits ruisseaux font les grandes rivières, on préférera toujours nous greenwasher la figure plutôt que nous proposer de réelles solutions, justement parce que cochonner notre planète rapporte encore plus d’argent que ça n’en fait perdre (ou du moins, ça remplit les poches d’un petit nombre, quitte à appauvrir la majorité).

Sans une poussée nationale, à grande échelle, les efforts de chacun·e n’auront jamais un impact suffisant pour améliorer la situation écologique.

Parlons-en d’ailleurs, du greenwashing, cette pratique qui consiste à se faire passer pour un acteur écologique important, comme le font Total ou BNP Paribas avec des campagnes publicitaires mettant en avant leurs efforts pour une transition énergétique viable, alors qu’iels soutiennent en parallèle d’importantes extractions de pétroles, de gaz, des déforestations massives, etc. Total s’est par exemple vanté, à travers divers spots télévisuels, de participer grandement à la recherche pour les énergies vertes, alors que 10 % de leur production pétrolière provient de l’exploitation des sables bitumineux, surnommés « le pétrole sale » (c’est dire). BNP Paribas, de son côté, s’est refaite une réputation en lançant un programme de recherche appelé « Climate Initiative » (3 millions d’euros en 3 ans) et fait tout depuis quelques années pour être vue comme une banque verte. Elle oublie juste de préciser qu’elle investit bien plus massivement dans l’extraction de charbon, au point de devenir l’un des acteurs mondiaux principaux du changement climatique selon certain·es (cf. sources). Et la liste est longue, ne serait-ce qu’en France, qui a pourtant accueilli en 2015 la COP21, censée être un tournant majeur pour la lutte climatique. Mais cette convention internationale a elle-même été largement remise en cause avant, pendant et après sa tenue à Paris.

Il nous est constamment rabâché que les entreprises, en réalité les plus polluantes qui soient, font déjà énormément d’efforts, et que ce serait à nous de mettre la main à la pâte. Le manque d’encadrement judiciaire et les lobbies permettent aux grosses sociétés de continuer impunément de produire toujours plus de déchets et autres émissions nocives. Volkswagen et sa fraude sur les émissions polluantes de 11 millions de véhicules n’en continue pas moins de fabriquer ses différents modèles en France (avec plus de 253 000 voitures particulières immatriculées en 2016) sans pour autant remettre en cause ni sa chaîne de fabrication ni l’importance, notamment, du Diesel.

Durant la vague de froid de janvier 2017, les villes et le ministère de l’Environnement n’ont pas lésiné sur les spots nous incitant à économiser l’énergie dans nos maisons ou appartements et à favoriser les transports en commun à la voiture individuelle (tout en supprimant la gratuité de ceux-ci lors des pics de pollution en Île-de-France). Mais aucune communication n’est faite parallèlement du côté des entreprises, elles-mêmes extrêmement énergivores et souvent installées dans des locaux où les normes d’isolation, de chauffage et d’éclairage seraient largement à revoir. D’ailleurs, elles ne possèdent souvent aucune politique d’économie d’énergie réellement impactante. Pendant ce temps, la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique n’a pas encore véritablement proposé de solutions vertes ni aux activités industrielles, ni aux entreprises. Certaines directives européennes antérieures existent, mais la France n’est que rarement renvoyée devant la Cour de Justice européenne pour ne pas les avoir suivies.

L’aéroport de Notre Dame des Landes, près de Nantes, est un bon exemple de ce mépris du pays pour l’écologie et les lois existantes : après une poursuite de la Commission européenne en 2014 et un avis défavorable du Conseil National de Protection de la Nature (CNPN) cette même année, le chantier de construction est toujours à l’ordre du jour. Vinci n’est pas inquiété et la lutte contre le projet dépend en partie de la mobilisation constante des zadistes (militant·es engagé·es dans la protection d’une zone à défendre – ZAD), des agriculteurices historiques et de leurs soutiens humains. Preuve que l’engagement individuel et citoyen a du sens, mais ne suffit pas seul comme effort écologique, surtout s’il doit se lever contre les instances officielles censées épauler une politique verte plutôt que de l’enterrer vivante.

Pour conclure, et ne pas laisser un tableau entièrement noirci (de pétrole et de microparticules), les localités et gouvernements font déjà quelques efforts pour endiguer la catastrophe écologique en cours. La loi sur la transition énergétique est censée nous ouvrir les portes d’une nouvelle ère de production et de consommation propre (toujours dans une logique capitaliste s’entend). En attendant, les mesures de protection de l’environnement s’appliquent majoritairement à des situations extrêmes, comme les pics de pollution pour les restrictions automobiles. Nous attendons encore de voir des lois et des initiatives vertes nationales et européennes prévues pour le long terme, au delà d’un simple mandat et des intérêts de quelques grosses sociétés.