2 avril 2017

Lecture Flash #2 : Évadée de Daech. Ils nous traitaient comme des bêtes de Sara avec Célia Mercier

Trigger Warning : cet article contient des mentions de viols, tortures, violences physiques et suicide.
Lecture Flash #2 : Évadée de Daech. Ils nous traitaient comme des bêtes de Sara avec Célia Mercier
Cet article fait partie du dossier Lectures flash

L’ouvrage dont je vais vous parler s’intitule Évadée de Daech. Ils nous traitaient comme des bêtes.

De quoi ça parle ?

Publié aux éditions J’ai lu en 2016, il relate le calvaire de Sara, jeune femme yézidie originaire du Kurdistan enlevée en 2014 par les soldats de Daech. Avec l’aide de la journaliste et autrice Célia Mercier, elle nous raconte son histoire, de son enfance dans le village de Kocho entourée de sa famille, à sa mise en esclavage par Daech en août 2014 et à sa fuite deux mois plus tard. Le texte est entrecoupé à certains endroits de témoignages annexes venant apporter un éclairage sur des situations non vécues par Sara, comme l’histoire de Nadir, un lycéen de 17 ans résidant également à Kocho embarqué avec l’ensemble des hommes du village pour être exécuté mais qui a réussi à s’échapper en faisant semblant d’être mort, celles de Myriam, 13 ans, cousine de Sara, et de Samia qui ont été emmenées avec de nombreuses autres filles pour servir d’esclaves sexuelles aux chefs de la division de Daech présente dans le village, ou encore celle de Nada, 16 ans, qui a tenté de se suicider à deux reprises le jour où elle a appris que son frère avait été tué par les membres de Daech.

 

Couverture de l’ouvrage Évadée de Daech de Sara, avec Célia Mercier.

Le « yézidisme » ?

Dans le livre, Sara nous parle de sa religion monothéiste. Elle tirerait ses racines dans l’Iran ancien et elle est localisée au Kurdistan, en Arménie et en Géorgie. En plus de leur Dieu qui porte ici le nom de Xwede, les yézidis honorent Malek Taous, l’ange-paon, et Cheikh Adi, saint de la communauté inhumé au XIIe siècle à Lalish en Irak, devenue depuis un lieu sacré de pèlerinage. Iels possèdent également leurs propres livres sacrés – le Livre des Révélations et le Livre noir –, fêtes – le Mercredi rouge par exemple se déroulant à la mi-avril est leur nouvelle année –, ainsi qu’un jour férié – le mercredi. Au fil des siècles, le peuple yézidi a été persécuté à de nombreuses reprises, des Kurdes musulmans aux Turcs de l’Empire ottoman. Considéré·es comme des païen·nes par Daech, iels sont actuellement soit mis·es à mort, soit réduit·es en esclavage.

Pourquoi le lire ?

Le récit est difficile à lire. Les scènes de viol, de meurtres, de torture et de violences sont nombreuses et insoutenables. La cruauté, la perversité et l’injustice sont omniprésentes. L’ouvrage n’en demeure pas moins nécessaire. Avant de tomber par hasard sur ce livre au détour d’un rayon, je n’avais jamais entendu parler du massacre de la communauté yézidie toujours en cours, ou alors juste sous la forme d’un écho lointain dans un journal télévisé entre le sujet d’actualité du jour et la rubrique sport. Peut-être n’y ai-je également pas prêté attention, loi de proximité quand tu nous tiens.

À la fin du livre, Amina Saeed, ancienne parlementaire irakienne nous informe que depuis août 2014, 5 000 personnes ont été capturées par Daech, la plupart étant des femmes et des enfants. Dans le village d’origine de Sara, Kocho, 700 femmes ont été enlevées, les hommes ont quant à eux été systématiquement tués. Certaines femmes, comme Sara ou sa petite cousine Myriam, ont réussi à s’échapper au bout de quelques mois, seules ou grâce à l’aide de passeurs ou du réseau de volontaires mis en place pour soutenir et aider les victimes, mais le calvaire ne s’arrête pas pour autant. La détention, la perte des membres de leur famille, la privation de nourriture et d’eau, les insultes, les coups et les viols multiples ont toujours, des mois après leur fuite, des conséquences sur l’état physique et psychologique des anciennes prisonnières.