
Après ce premier tour des présidentielles, unique pour la Cinquième République puisqu’aucun des deux partis historiques n’aura de place au second tour, il convient de faire un point sur le futur (sic) qui nous attend et sur certains points de programmes développés et occultés par Macron et Le Pen.
Disclaimer : les points abordés se basent uniquement sur les programmes officiels des candidat·e·s et non sur leurs diverses interventions orales ou sur les reports de discours dans les médias. Nous ne faisons ici que recouper les positions des deux candidat·e·s sur certains points qui nous paraissent être d’importance et rappeler d’autres points de même importance sur lesquels iels ne se prononcent pas.
Aucun·e des deux candidat·e·s n’aborde la gestion des quotas d’abattage des loups et renards soit-disant responsables des attaques de troupeaux (plusieurs études démontrent à l’inverse un dérèglement du comportement des prédateurs dû aux abattages). Il était question de réduire voire de supprimer cette autorisation de tuer dans d’autres programmes.
Macron n’aborde aucun des deux traités d’échanges agricoles internationaux et évoque très rapidement l’entretien de la PAC. Il reste de plus assez tiède pour parler de 50 % de produits biologiques, labels de qualité, OU locaux dans la restauration collective.
Le Pen parle bien de refuser les fermes-usines, ainsi que de réglementation des abattoirs, mais pas de la consommation excessive de viande et de son gâchis en France. Elle n’aborde pas la question de la PAC mais refuse, par protectionnisme, le TAFTA et le CETA.
Macron souhaite accompagner les jeunes de 18 ans (pas de précision pour les autres âges) dans la culture à l’aide d’un pass financé par les grands distributeurs et plateformes numériques. Il est question de soutenir la culture (sans plus de précision) « en contrepartie d’une exigence d’efficacité », quoique cela puisse bien vouloir dire.
Marine Le Pen aborde la culture dans l’optique patriote et autarcique d’un certain patrimoine français, sans plus de détails quant à son accès, son financement et sa délimitation.
Macron promet une parité gouvernementale ainsi qu’une plus grande parité dans les services publics. Il veut un congé maternité retravaillé mais n’évoque pas du tout le congé paternité. Rien n’est précisé sur l’effort à faire pour démonter le patriarcat et les privilèges masculins. La lutte contre le harcèlement est envisagée sous forme de campagne de communication et de sensibilisation, mais le harcèlement de rue est abordé comme une incivilité pour laquelle les amendes seront augmentées.
Le Pen veut défendre les femmes, mais en luttant en priorité contre l’islamisme (sic). Sans rentrer dans plus de précisions, elle défend par ailleurs l’égalité salariale et souhaite lutter contre la précarité professionnelle et sociale des femmes.
Aucun des deux candidats ne mentionne l’accès encore fortement inégalitaire aux divers moyens contraceptifs et à l’avortement selon les territoires.
Il n’est aucunement fait mention, dans les deux programmes, de ce dispositif pédagogique visant à réduire les inégalités de genre dans les écoles maternelles et primaires.
Aucun des deux candidats ne prévoit dans son programme de revoir l’éducation sexuelle disponible dans les écoles de la République. Actuellement, chaque école gère les trois séances annuelles d'éducation à la sexualité un peu à sa sauce, en se concentrant souvent sur les risques inhérents aux relations sexuelles, quand les séances ne sont pas tout simplement supprimées du programme faute de temps.
Emmanuel Macron souhaite le rétablissement d’un service militaire obligatoire d’un mois pour tou·te·s les citoyen·ne·s, dans les trois ans suivant le dix-huitième anniversaire. Il y voit notamment « en cas de crise, un réservoir mobilisable, complémentaire de la Garde Nationale ». Marine Le Pen est pour un rétablissement progressif d’un service militaire obligatoire de trois mois minimum, sans préciser s’il concerne uniquement les hommes comme le service d’origine, ou également les femmes.
Macron envisage une suppression du statut de chômeur après deux refus d’emploi. Que ce soient des emplois très loin de chez vous, pas aux bons horaires, payés avec les pieds et pour lesquels vous n’êtes pas qualifié·e·s (je ne parle pas de niveau d’études, mais de qualification pour un poste), tout ceci n’entre pas en ligne de compte, ou n’est du moins aucunement mentionné dans le programme.
Le revenu universel proposé par certain·e·s candidat·e·s et le plafonnement des salaires patronaux ne sont abordés par aucun des deux candidat·e·s.
Macron est attaché à l’Europe et à en redorer le blason. Il est notamment question dans son programme de protéger les frontières extérieures de l’UE : « L'objectif est de 5 000 hommes mobilisables par la nouvelle Agence européenne de garde-frontières et de garde‑côtes ». Il n’est pas fait mention d’une politique écologique globale ou des arrangements faits entre pays pour ne pas violer les traités européens.
Soit-disant sans vouloir quitter l’Europe, Le Pen souhaite une France souveraine, en supprimant par exemple le droit du sol et en rendant la naturalisation plus difficile à obtenir. Sortir de l’espace Schengen, revenir à une monnaie nationale et rétablir les frontières nationales à l’aide d’un recrutement massif d’agents de douane sont aussi prioritaires dans son programme. Il est enfin question de retirer le drapeau européen de tous les bâtiments publics français.
Macron prévoit l’élargissement des horaires d’ouverture des services publics (dont soirée, samedi et dimanche pour certains), sans évoquer les fonctionnaires gérant lesdits services. Il est aussi question de numériser les démarches administratives via internet, sans préciser si des postes seront automatiquement mis à disposition dans les services concernés. Pour la fonction publique concernant les policiers, nous vous renvoyons au paragraphe sur la sécurité intérieure. Macron propose également d’ouvrir 12 000 postes de professeurs des écoles dans les classes de CP et de CE1 dans les zones prioritaires, tout en réduisant le nombre d’agents publics de 120 000 emplois sur la durée du quinquennat. Aucune mention n’est faite des autres fonctionnaires.
Le programme de Le Pen évoque assez peu la fonction publique, précisant cependant sa volonté d’élargir et généraliser le troisième concours de la fonction publique tout en le réservant aux plus de 45 ans ayant au moins huit ans d’expérience dans le privé.
Le programme de Macron se recoupe ici avec ses propositions européennes : les migrant·e·s en situation régulière sont invité·e·s à suivre une formation linguistique, et le délai d’obtention de visa « talents » sera réduite « pour améliorer l’attractivité de la France dans la compétition internationale et pour attirer les talents étrangers ». Toujours en rapport avec l’Europe, il souhaite « la lutte contre les passeurs et le retour [dans leur pays d’origine] des migrants non autorisés à entrer dans l’UE ». Pour ces mêmes irréguliers, il veut pourtant réformer « les conditions d’examen des demandes d’asile avec l’objectif d’assurer une prise de décision en 8 semaines pour toutes demandes ».
Pour Mme Le Pen, l’immigration légale ne doit pas dépasser un certain plafond et l’obtention de la nationalité française par mariage doit être supprimée. Quant aux migrant·e·s et réfugié·e·s en situation illégale, elle souhaite « rendre impossible la régularisation ou la naturalisation des étrangers en situation illégale. Simplifier et automatiser leur expulsion ».
Aucun des deux candidat·e·s ne prévoit de créer un 49.3 citoyen.
Macron ne prévoit pas de changer la Constitution, en aucun point, déclarant que « Les Français n’attendent pas de grand soir constitutionnel ou de VIème République » (sic). Il est également question de revenir sur le cumul des mandats (pas plus de trois identiques successifs) par une régulation des financements et des partis et des élus affiliés. Macron parle aussi d’une plus grande probité demandées aux hommes politiques, notamment via l’interdiction de recruter de la famille, précisément comme assistants parlementaires. Il prévoit enfin de réduire le nombre de sénateur·e·s et de député·e·s, tout comme Mme Le Pen.
Cette dernière ne propose pas de nouvelle République mais souhaite réformer la Constitution française en insistant sur le référendum et l’élargissement dont il doit faire l’objet. Elle n’aborde pas le problème du cumul des mandats, ni celui de l’embauche familiale, ni aucun autre point touchant à la moralisation de la vie politique française.
Macron a affirmé sa volonté de maintenir le mariage pour tous ainsi que sa volonté de combattre l’homophobie dans la société française.« Nous lutterons contre l’homophobie du quotidien, notamment dans le milieu du travail, en multipliant les opérations de contrôles aléatoires (« testing ») et de désignation publique des entreprises fautives (« name and shame ») ». À noter que les questions LGBT+ sont sobrement abordées dans une catégorie « famille et société » dans son programme.
Le Pen n’évoque pas les LGBT+ si ce n’est pas le biais de la loi Taubira qu’elle souhaite réformer en un « PACS amélioré » (sic).
Il n’est nulle part fait mention des personnes transgenres et intersexes dans les deux programmes, ainsi que de la facilitation du changement d’état civil.
Aucun·e des candidat·e·s n’était favorable à la légalisation de la GPA sur le sol français. Macron se présente comme ouvert à la PMA pour les couples lesbiens et les femmes seules. Il souhaite cependant attendre l’avis du Comité Consultatif National d’Ethique pour se décider sur la GPA. Le Pen est anti-PMA sauf pour les couples hétérosexuels stériles.
Après le passage de la loi sur la pénalisation des clients en 2016, rendant d’autant plus précaire et dangereux le travail des travailleureuses du sexe français·e·s, aucun des deux candidat·e·s n’abordent cette loi ou cette communauté.
Les propositions concernant l’organisation de l’islam en France et son encadrement fusent dans le programme de Macron, qui, paradoxalement, rappelle bien la laïcité de l’État. Il souhaite conserver l’interdiction de tout signe religieux (sic) à l’école mais ne pas l’étendre à l’université, « où les étudiants sont majeurs et responsables » (Ndla : y dit qu’il voit pas le rapport). Aucune précision sur quelques autres religions que ce soit. Concernant le port du voile dans un milieu professionnel public, le programme reste flou : « Les usagers des services publics doivent voir protéger leur liberté d’exprimer leurs convictions religieuses et spirituelles, dans la limite du raisonnable comme des règles de l’ordre public et du bon fonctionnement de ces services ».
Marine Le Pen souhaite quant à elle lutter contre l'extrémisme islamique, toujours dans l’idée que l’un ne va pas sans l’autre. Rejoignant son idée du « féminisme », elle est également persuadée que les femmes musulmanes voilées sont embrigadées par leur mari/frère/père (Ndla : cousin, que sais-je) et qu’il faut les « sauver ».
Aucun mention n’est faite dans les deux programmes de la légalisation potentielle du cannabis et de l’ouverture des premières salles de consommation à moindre risque à Paris et Strasbourg.
Macron souhaite lutter contre les déserts médicaux, créer un service sanitaire de trois mois pour les étudiants en santé, mais n’évoque pas les conditions de travail des infirmier·e·s et aides soignant·e·s dans les hôpitaux, ni la formation pédagogique des métiers médicaux que l’on sait à revoir depuis les scandales de maltraitance gynécologique (par exemple). Il est cependant question de donner « davantage d’autonomie aux hôpitaux en diversifiant les modes de rémunération des professionnels et les modes de financement des hôpitaux, dans un cadre sécurisé nationalement ».
Une seule ligne aborde les hôpitaux et le personnel soignant dans le programme de Le Pen : « Maintenir au maximum les hôpitaux de proximité et augmenter les effectifs de la fonction publique hospitalière ». Aucune précision si tous les métiers sont concernés et aucune précision sur les travailleurs évoluant dans le privé.
Le programme de Macron évoque une uniformisation du calcul des retraites, quel que soit le statut professionnel des personnes, donc de la différence de traitement dont elles ont bénéficiées selon ces statuts tout au cours de leur vie professionnelle. L’âge de départ à la retraite n’est pas abordé, il est seulement précisé : « vous pouvez choisir de travailler davantage pour avoir une pension plus élevée ou de partir plus tôt avec une pension moindre ».
Le Pen donne un âge de départ à la retraite précis (60 ans pour 40 ans de cotisation pour une retraite pleine -sic-) mais ne précise pas si elle compte conserver le calcul actuel des retraites ou le modifier. Son programme parle également de revaloriser le minimum vieillesse (ASPA) mais de le réserver aux Français possédant leur nationalité depuis plus de vingt ans.
Le tiers-payant est un point que veut réviser Macron, pour évaluer les bénéfices et contraintes qu’il pourrait induire.
Mme Le Pen parle quant à elle de supprimer« l’Aide Médicale d’État réservée aux clandestins ». Elle souhaite également soutenir les start-ups françaises pour que celles-ci modernisent notre système de santé, ainsi que le maillage territorial des acteurs indépendants de la santé (pharmacies, laboratoires d’analyses, de fabrication de médicaments etc.).
Point extrêmement développé de son programme, Emmanuel Macron parle notamment de renforcement de la police de sécurité et d’un développement d’une police de proximité (pas le terme utilisé) : hors de question cependant de la désarmer. Il a pour idée de leur réduire et faciliter le travail administratif pour un retour sur le terrain. Ses chiffres parlent du recrutement de 10 000 policiers et gendarmes supplémentaires en 5 ans, sur la base de 7 500 policiers et 2 500 gendarmes. À noter qu’il est question, dans le cadre de ces nouvelles recrues, de développer « la formation continue des policiers en matière d’autorité, de dialogue culturel, de respect d’autrui, de gestion des situations de conflits et de déontologie ». Pour lutter contre le profilage racial (ce n’est pas le terme utilisé dans le programme), le développement de caméra piéton sera mis en place.
Pour Marine Le Pen, la police doit retrouver force et présence : elle prévoit de « réarmer massivement les forces de l’ordre » avec le recrutement de 15 000 policiers et gendarmes pour qui elle veut également réduire la tâche administrative, et qu’elle souhaite protéger, notamment grâce à la présomption de légitime défense et par la garantie de statut militaire des gendarmes. Il est également fait mention d’une mise en place « d’un plan de désarmement des banlieues concernées et de reprise en main par l’État des zones de non-droit » sans plus de précisions.
Notre sujet de bobo préféré, l’écologie, n’est pas vraiment la priorité de M. Macron et Mme Le Pen. Le premier se montre frileux quant aux centrales nucléaires et réclame un nouveau rapport de l’ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire) pour prolonger ou non la vie des centrales au-delà de 40 ans. Il est aussi toujours question d’ouvrir l’EPR de Flamanville, et ce n’est qu’à son ouverture qu’on fermera Fessenheim. La plupart des propositions concernant la transition écologique (fermeture des centrales à charbon, interdiction d’exploration des gaz de schiste, taxe carbone, fiscalité du diesel), s’inscrivent dans la continuité du mandat de Hollande, déjà prévues par celui-ci ou inscrites dans la loi.
Le Pen, quant à elle, parle dans son programme d’un moratoire sur l’éolien, et d’un développement durable par le solaire (certes), le biogaz et le bois (arg), ainsi que par les voitures à hydrogènes. Aucune remise en question du fonctionnement des transports français et une position forte contre l’écotaxe et la taxation du diesel. Elle refuse également la fermeture de Fessenheim et souhaite maintenir, moderniser et sécuriser la filière nucléaire française. Rien sur l’EPR de Flamanville.
Les deux programmes font l’impasse sur de nombreux points abordés par les autres candidat·e·s du premier tour des présidentielles. Ils partagent également une formulation vague et inexplicite. Il apparaît par ailleurs clairement que celui de Macron s’axe avant tout sur l’économique avant le social, quitte à se contredire dans certaines propositions. Il s’intègre dans la suite du mandat d’Hollande, récupérant certaines de ses mesures anciennement promises, et développant son libéralisme. Le Pen axe son programme sur une France qui doit récupérer son identité (Ndla : fantasmée et fausse), ainsi que ses frontières, en appuyant le rejet de l’étranger, que ce soit économiquement ou socialement. Il va sans dire que les nombreuses déclarations publiques des deux candidat·e·s vont bien au-delà de leur programmes officiels et s’avèrent tout aussi voire plus dangereuses que ceux-ci.