
Le projet ReconnaiTrans s’attaque à la transphobie et à l’enbyphobie, en relayant des témoignages de personnes concernées par ces oppressions. Nous vous proposons de le découvrir, en compagnie de Laurier The Fox, un ancien du magazine, qui est à l’origine du projet.
Planche de bande dessinée de Laurier The Fox pour ReconnaiTrans.
Hello à tou·tes ! Ici Laurier The Fox, auteur BD militant !
Je dessine et traite principalement de sujets politiques ou de justice sociale, comme le féminisme convergent, l’anti-racisme, les luttes LGBTIQAP+, l’antispécisme...
Je suis aussi un mec transgenre gay, fan de metal, de jeux de rôle, de jeux vidéo, de botanique et d’histoire médiévale. Mi-hobbit, mi-viking, avec des paillettes en plus.
C’est suite à la lecture en ligne de Projet Crocodiles de Thomas Mathieu, et de Paye Ta Schnek d’Anaïs Bourdet (et des autres « Paye ta/ton ») que l’idée a lentement germé. Quand ces projets ont commencé à faire du bruit, j’ai été agréablement surpris de la majorité des réactions du public. Des personnes qui découvraient le sexisme, le harcèlement de rue, et qui prenaient enfin conscience de sa gravité. Des personnes qui se sentaient enfin touché·es par les témoignages des victimes.
En parallèle sur les groupes (IRL et IVL) de personnes transgenres et non binaires, on parlait de nos vécus et de ce qu’on subissait au quotidien. J’avais envie de monter un projet BD pour porter toutes ces voix, mais j’avais très peur que l’on m’accuse de « copier » l’idée de Thomas Mathieu, malgré le but militant.
Cela m’a pris du temps pour trouver la manière de narrer les témoignages et la palette de couleurs qui pourrait correspondre à ce sentiment de malaise vécu après avoir subi un acte transphobe ou enbyphobe. Je me suis enfin lancé après avoir dessiné le témoignage d’une amie chère (le premier témoignage du projet), mais j’avais de gros doutes sur le fait que cela touche les gens (cisgenres ou transgenres).
Planche de bande dessinée de Laurier The Fox pour le projet ReconnaiTrans.
Je l’ai créé en premier lieu pour relayer la parole des personnes transgenres et non binaires quant aux oppressions systémiques vécues chaque jour. La transphobie, l’enbyphobie, le cissexisme, etc., mais aussi pour relayer les moments positifs de nos vies. C’est aussi pour cela que cela s’appelle « ReconnaiTrans », contraction de « reconnaissance » et de « transidentité ».
Le projet est pédagogique en soi, même si ce n’est pas son but premier.
Je ne m’attendais pas à de tels retours des personnes cisgenres, beaucoup m’ont remercié, dit qu’iels avaient enfin compris certaines choses, repensé à leur comportement, ou ont tout simplement découvert les personnes trans. Mais cela reste en priorité un projet fait par et pour les personnes transgenres et non binaires.
Il y a maintenant un an, j’ai lancé mon projet ainsi qu’un appel à témoignage. J’en ai reçu environ une cinquantaine jusqu’à présent, et j’en reçois environ 5 chaque fois que j’en poste un nouveau. Je les reçois par mail via mon Tumblr, ou par message privé sur Facebook et Twitter.
Chaque fois, je remercie læ témoignant·e en lui exposant ma façon de procéder :
En la mettant en lumière. Je dirais qu’il permet de la visibiliser et de la désigner comme oppression systémique. La transphobie et l’enbyphobie se nichent partout, dans nos actes et nos gestes anodins, nos « blagues », nos produits culturels, notre art...
En la dénonçant, en la montrant nue et crue, en expliquant qu’elle nous maltraite, nous empêche de vivre… nous tue.
Planche extraite d’une bande dessinée de Laurier The Fox pour ReconnaiTrans.
Beaucoup de personnes (témoignant·es et lecteurices) m’ont demandé si une version papier verrait le jour. J’hésite encore à passer par une maison d’édition pour cela, et il faudrait que l’une d’elles soit intéressée par ce projet. Le rapport direct auteurice-lecteurice m’importe beaucoup, et si je ne trouve pas d’écho du côté éditorial, je passerais sans doute par une plateforme de financement participatif. Avant cela il faudra que j’ai bien sûr l’accord de tou·tes les témoignant·es de ReconnaiTrans. J’aimerais arriver à un livre comptabilisant au moins une centaine de témoignages, histoire qu’il serve aussi de lourd pavé à mettre dans la tête des transphobes patenté·es ! Au-delà de la question de la mise en papier, je compte monter un Tipeee ou un Patreon avant le début de l’année prochaine car ce projet est très chronophage. Je poste une nouvelle BD qui fait entre 1 et 10 pages tous les 15 jours, disponible en ligne gratuitement. Et je veux continuer à garder ce système. Même si une version papier voit le jour, les BD seront toujours disponibles en ligne gratuitement, c’est important. Mais cela implique que je ne peux payer mes factures pendant ce temps. Un Tipeee ou un Patreon sur lesquels je proposerais des travaux inédits, montrerais les coulisses, proposerais des mini-cours, etc. pourrait vraiment m’aider à continuer de faire exister ce projet et en faire profiter les gens gratuitement.
Oui, bien sûr, mais avec ReconnaiTrans, je n’ai pas le temps de les travailler. Il y a Résonance Bleue, un gros projet de bande dessinée one-shot qui raconte l’histoire d’un·e enfant muet·te aux cheveux bleus confronté·e à un village soudé. Ensuite un webcomic médiéval-fantastique en préparation que je pense sortir à la fin de l’année ou début 2019 suivant mon temps et mes moyens. J’ai aussi récemment participé à la BD collective Féministes ! (chez Vide Cocagne) avec 12 pages sur la transidentité et l’intersexuation. C’était ma première bande dessinée issue de témoignages. J’ai également quelques projets jeunesse mais j’ai peur qu’ils ne sortent jamais de mes cartons !
Je ne suis pas sûr de penser à tout, mais je dirais que l’ensemble des revendications de l’Existrans pour commencer, ça serait pas mal : une vraie formation aux problématiques transgenres et intersexes, pour les personnes travaillant dans la santé, le social, l'enseignement, l’administration, la justice, les prisons... Le changement d’état civil (de genre ou de non-genre) libre et gratuit en mairie en même temps que le changement de prénom, sans condition médicale, sans psy, sans juge. Ou la suppression de la mention de sexe sur l’état civil et sur tous les documents d’identité. Une prise en compte réelle et des recherches en ce qui concerne notre santé (VIH/sida, hépatites, IST, effets des traitements à long terme, interactions médicamenteuses, etc.). L’arrêt de la médicalisation et de la psychiatrisation forcée des personnes trans, mais plutôt un libre choix de parcours. Un accompagnement respectueux et bienveillant des enfants et ados transgenres et intersexes... Dissoudre la SOFECT [1] [2] définitivement.
Planche de bande dessinée de Laurier The Fox pour ReconnaiTrans.
[1] ↑ La SOFECT : histoire d’une triste institution, sur Genre ! [2] ↑ Équipe officielle de prise en charge des personnes trans | Fonctionnement, de Lulla