11 septembre 2016

Self-défense : 7 conseils à appliquer en cas d’agression

Content Warning : cet article contient des descriptions et mises en situation fictives d’agressions et de tentatives de viol.
Self-défense : 7 conseils à appliquer en cas d’agression
Quand j'ai commencé le self-défense en 2015, se défouler, s'amuser et se dépenser étaient mes principales motivations – et dans un monde idéal ce serait bien les seules ! Mais à une époque où le harcèlement de rue est encore d'actualité, le self-défense peut aussi aider à être davantage en confiance lors de ses déplacements dans l'espace public voire à se sentir moins démuni·e face à une agression. Et ce sont quelques un·es de ces enseignements et astuces que je souhaiterais vous transmettre aujourd'hui.

Bien évidemment tous les conseils que je vais vous donner ici, et tout ce que vous apprendrez dans un cours de self-défense, ne sont pas une garantie pour que vous vous transformiez en badass qui terrasse tous les agresseurs. La self-défense est un pis-aller face au phénomène des agressions de rue, ce n’est en aucun cas une solution miracle. Et ce d’autant plus que la self-défense n’est pas accessible à tou·tes selon sa motricité (handicap), son lieu d’habitation (cours disponibles ou non dans sa région) ou encore ses moyens financiers (beaucoup de cours sont payants). Sans compter que beaucoup de femmes et minorités de genre sont fatigué·es de devoir encore et toujours payer pour se protéger du patriarcat (« taxe rose de la sécurité »).

J’en profite aussi pour rappeler que le but de la self-défense n’est pas de vous transformer en ninja qui impressionne tout le monde à coups de high-kick et de clés de bras improbables.

Au contraire, on y apprend des techniques très simples, facilement actionnables et surtout qu’on pourra a priori reproduire en situation de stress. On y apprend donc à gérer son rythme cardiaque (ne pas se laisser envahir par la panique, rester concentré·e même quand le cœur bat très vite), à absorber des impacts (pour ne plus être surpris·e et ne plus rester paralysé·e sous l’effet d’un coup) et surtout on y développe des réflexes salvateurs grâce à la répétition de gestes (apprendre à bloquer des coups et prendre le réflexe de riposter immédiatement).

Ces précisions faites, passons aux choses sérieuses car vous n’avez pas besoin d’aller à un cours de self-défense pour commencer à appliquer quelques petits conseils qui pourraient vous aider en cas d’agression.

#1 La fuite est toujours la meilleure option

Non, non, ce n’est pas parce que vous avez 2 ans de self-défense derrière vous qu’il faut aller au contact. Si vous pouvez : fuyez. De même si on vous vole votre portable : demandez-vous si ça vaut bien la peine de risquer un « combat » pour un téléphone car vous pourriez y perdre davantage.

#2 Ne jamais rester les bras ballants face à une personne menaçante

Personne en fausse garde : les bras devant, un pied plus avancé que l’autre.

La première chose à faire quand vous sentez que quelqu’un est menaçant ou insistant, c’est de ne surtout pas laisser vos bras ballants le long de votre corps, car si cette personne décide de passer à l’acte vous allez perdre de précieuses fractions de secondes pour contrer l’attaque.

À la place, tendez donc tout de suite vos bras en avant (légèrement pliés) et avec les paumes ouvertes (surtout pas les poings fermés) : c’est ce qu’on appelle « la fausse garde ». Cela permet de délimiter votre espace personnel sans adopter une posture agressive ; une « vraie » garde pourrait être prise comme une provocation et mener à une escalade de la violence. Et surtout c’est un indicateur : si l’agresseur rentre dans votre espace personnel (délimité par vos bras tendus), et qu’il tente de vous mettre la pression (en vous touchant, feignant un coup), c’est que c’est le moment de l’en empêcher (blocage).

Et dites-vous que rien qu’en montrant que vous êtes capables de « bloquer » une approche, et que vous ne comptez laisser personne entrer dans votre espace personnel sans autorisation, vous en surprendrez et en découragerez plus d’un. Et avant même que la personne ne rentre dans votre espace personnel, n’hésitez pas à utiliser votre voix. Dites fermement et d’une voix très forte « stop » ou « arrêtez » en regardant la personne dans les yeux. Cela paraît stupide, mais un changement de niveau de voix et une injonction si ferme peut déstabiliser et surprendre l’agresseur. Ce qui pourra vous donner l’occasion de fuir pendant qu’il est toujours sous le coup de la stupeur.

#3 Ne vous épuisez pas à Seulement bloquer les coups

Si l’on vous agresse et que vous ne pouvez pas vous échapper, le premier réflexe va être de vous protéger pour limiter l’impact des coups (position recroquevillée, bras autour de la tête), et au mieux de bloquer les coups de l’agresseur si vous avez quelques réflexes. Sauf que, si vous vous contentez de ça, vous allez vous épuiser, et l’agresseur continuera à vous porter des coups inlassablement. Vous êtes toujours en réaction et vous n’avez pas la possibilité d’identifier ou de créer des portes de sorties (surtout si vous vous recroquevillez les yeux fermés !).

Alors que la SEULE utilité d’un blocage (parade face à un coup) c’est de vous donner l’opportunité (= le temps) de porter un ou deux gros coups à votre agresseur pour que vous puissiez fuir dans la foulée.

C’est pour ça qu’on apprend toujours en self-défense : « Si tu bloques, tu renvoies un coup automatiquement (tu “ripostes”) ! » Donc en pratique, on bloque une première fois sans rendre la pareille pour laisser « une chance » à l’agresseur de s’arrêter. Mais si on voit qu’il n’a aucune intention de s’arrêter : dès le deuxième coup, on bloque, on riposte et on fuit !

#4 Où frapper son agresseur ? Faites simple !

Ok, c’est bien beau tout ça, mais où est-ce que vous frappez ? Vous faites 1 m 50 et 40 kg tout·e mouillé·e et votre agresseur est une armoire à glace ? Et bien sachez qu’il existe des endroits stratégiques qui seront efficaces quel que soit le gabarit de votre agresseur et surtout qui ne nécessitent pas de force de votre part. Ces endroits magiques sont les suivants : les yeux, le nez, les oreilles, le cou en dessous de la pomme d’Adam, et les parties génitales.

J’en vois plusieurs frissonner à l’évocation des yeux : sachez que vos agresseurs frissonnent aussi. Quand on montre que l’on n’a pas peur de s’attaquer aux yeux on passe très vite pour une personne qui ne reculera devant rien. Et ça, ça fait peur même aux plus téméraires ; tout le monde a très peur de perdre un œil, beaucoup plus que de se prendre un coup de genou bien placé. Donc n’hésitez pas à jouer sur cette peur, vous aurez plus de chances qu’on vous « lâche ».

Exemple 1 : Votre agresseur vous agrippe les 2 épaules ou la tête → Avec vos 2 mains, claquez ses oreilles d’un coup sec ou agrippez-les et tirez à fond en utilisant tout votre poids (n’hésitez pas à vous laisser tomber/pendre à ses oreilles).

Exemple 2 : Le visage de votre agresseur est dégagé → Donnez un coup de main, paume ouverte, en visant le nez, un petit peu par en dessous, comme si vous vouliez remonter ses narines au niveau de son front. Ensuite soit vous griffez son visage et ses yeux, soit vous continuez d’appuyer très fort pour lui bloquer la vue et en profiter pour mettre un coup de poing ou de genou ailleurs.

#5 Si votre agresseur vous agrippe, collez-vous à lui !

On a souvent tendance à se reculer quand on s’est fait agripper pour s’éloigner au maximum de l’agresseur alors qu’en fait il faut se rapprocher et se coller à lui le plus possible !

Pourquoi ? Parce que quand vous vous collez à l’agresseur vous lui ôtez sa marge de manœuvre et vous diminuez l’impact de ses coups (il n’aura pas d’élan pour son coup). Donc essayez d’aller à l’encontre de votre instinct : rapprochez-vous de lui s’il vous tient par la manche ou que sais-je. Et une fois que vous êtes collé·e à lui, c’est toujours pareil, cherchez avec vos mains, pieds, genoux, coudes pour atteindre un endroit stratégique.

Petit conseil spécifique pour les personnes aux cheveux longs comme moi : si on vous les tire, même principe, ne cherchez surtout pas à vous éloigner (ça tire encore plus !), rapprochez-vous et au lieu d’attraper vos cheveux (réflexe quand on a mal !) attrapez plutôt le poignet de l’agresseur et tirez vers vous pour coller son poignet au maximum contre votre crâne (ça limitera la tension sur vos cheveux). Et après toujours pareil, on utilise tous les membres restants de notre corps pour tenter de porter un coup.

#6 Votre agresseur vous a mis·e à terre ? Tout n’est pas perdu !

Deux cas de figure majeurs : il vous a poussé·e et vous vous retrouvez au sol, ou il vous maintient fermement au sol. Dans le premier cas, votre but sera de vous relever le plus vite possible, et ce, sans danger. S’il est difficile d’expliquer des techniques pour se relever par écrit, il y a quelques « trucs » à garder en tête.

Ne vous relevez pas tant que vous n’êtes pas face à votre agresseur (il ne doit surtout pas être dans votre dos) ; préférez pivoter au sol en attendant et n’hésitez pas à utiliser vos jambes et bras pour contrer les éventuels coups. Ensuite quand vous vous relevez, ne le faites pas tête vers l’avant (car cela vous « rapproche » de l’agresseur et il peut vous donner des coups plus facilement), et ne le faites pas en pivotant vers l’arrière pour fuir (pendant toute la durée de votre mouvement vous devez toujours être face à l’agresseur afin de voir les coups arriver et les bloquer).

La défense au sol : une femme est au sol, le coude au sol peut servir d’appui pour pivoter avec le bassin et la jambe au sol. L’autre coude protège la tête et sert à bloquer. Elle donne des coups avec les jambes.

Au contraire, relevez-vous visage face à votre agresseur, mais en penchant votre corps/buste vers l’arrière comme si vous cherchiez à vous éloigner au maximum de l’agresseur, et utilisez toujours un de vos bras comme « rempart » (tendez-le vers l’avant paume ouverte pour empêcher l’agresseur de se rapprocher).

Se relever en étant au sol : illustration des consignes ci-dessus.

Dans le deuxième cas, courant dans les tentatives de viol, vous êtes allongé·e par terre et votre agresseur vous maintient au sol en étant à califourchon sur vous.

Là encore, c’est « technique » et difficile à expliquer par écrit mais je vous donne quand même le principe. Essayez de plier les jambes pour mettre vos pieds au plus près de vos fesses. Puis d’un coup très sec, soulevez votre bassin avec un mouvement sur le côté. Cela va déséquilibrer votre agresseur quel que soit son poids. Profitez de la surprise de ce déséquilibre pour pousser de toutes vos forces l’agresseur avec vos mains et ainsi le renverser sur le côté. Une fois la personne à terre ; envoyez un coup dans les côtes, le plexus ou la tête. Et surtout relevez-vous le plus vite possible et fuyez en courant.

Se protéger d’un agresseur sur soi : une femme est allongée au sol sur le dos, les genoux relevés, son agresseur est à califourchon sur elle. Elle protège sa tête avec ses bras.

Basculer l’agresseur avec un mouvement de bassin : une personne est allongée au sol, sur le dos, les jambes pliées. Elle monte le bassin en diagonale du côté où elle veut pousser l’agresseur, puis profite du déséquilibre pour le pousser avec son bras.

Comme vous pouvez vous en douter, ces deux techniques demandent davantage de pratique et d’entraînement que mes précédents conseils. Et c’est en cela que les cours de self-défense sont utiles. Ils vous permettront de travailler des situations plus complexes et de développer des automatismes pour y répondre.

#7 Que faire s’ils sont plusieurs agresseurs ?

On ne va pas se mentir : ça se complique fortement. Là encore, je n’ai pas de solution miracle, mais quelques « trucs » à garder en tête pour limiter la casse. Faites en sorte de ne jamais être ENTRE plusieurs agresseurs, et essayez d’être toujours FACE à tous les agresseurs : déplacez-vous autant que possible pour n’avoir aucun agresseur dans le dos. Occupez-vous toujours de la personne la plus proche de vous en premier : on neutralise l’agresseur le plus proche de nous (2-3 gros coups qui le laissent un peu hagard) AVANT d’aller porter des coups au suivant.

Ah, et d’ailleurs, même si vous ne voyez qu’un seul agresseur au début de l’agression : partez TOUJOURS du principe que d’autres peuvent arriver en renfort. Prenez donc le réflexe de regarder autour de vous, et de ne pas trop rester focalisé·e sur l’agresseur visible. Regarder autour de vous vous servira non seulement à repérer d’autres agresseurs potentiels mais aussi et surtout à repérer des opportunités de fuite. Car oui la boucle est bouclée : le combat c’est toujours le dernier recours, la fuite c’est toujours la meilleure solution !

Voilà, j’espère que ces quelques conseils vous aideront, et pourquoi pas vous donneront envie de vous mettre à la self-défense.

Mon conseil : n’y allez pas seulement dans le but de savoir vous défendre, prenez ça comme une activité sportive fun qui peut vous apprendre 2-3 trucs. Et si vous vous en sentez capables, privilégiez les cours mixtes ; ça permet de travailler avec tous types de gabarits et c’est plus « réaliste ». Personnellement j’adore ces cours ; je rigole beaucoup, je me défoule, je lâche mon agressivité, je travaille mon cardio, je fais un peu de renforcement musculaire, et je me sens un peu badass quand j’arrive à bloquer un coup comme une pro !

Enfin, dernière chose, ne faites jamais des cours de self-défense une injonction pour les personnes qui ont peur dans la rue. Je le rappelle parce que c’est très important : même si tou·tes les femmes et minorités de genre faisaient du self-défense ça n’empêcherait pas les violences faites à notre encontre. Et surtout ça ne garantit en rien qu’on puisse vraiment s’en servir dans la vie réelle : dans un cours de self-défense on n’arrivera JAMAIS à reproduire le niveau de stress que provoque une agression. Donc même les sportif·ves les plus aguerri·es peuvent se retrouver paralysé·es. C’est normal et ce n’est pas condamnable ; c’est juste le principe du trauma (cf. phénomène de sidération).

Bon à savoir : Plusieurs associations féministes proposent des stages de self-défense (très souvent gratuits et en non-mixité), n’hésitez pas à vous renseigner sur le net.

Qu'est-ce que la légitime défense en droit

Une question revient souvent lorsque l’on parle de self-défense : est-ce que mon agresseur pourra porter plainte contre moi si je le blesse ? Comme dit tout au long de l’article, le but du self-défense n’est pas de combattre et blesser mais de pouvoir fuir sauf qu’on peut blesser en essayant de se défendre. Voilà un petit topo sur la légitime défense pour y voir plus clair.

Voilà ce que dit le Code pénal dans son article 122-5 :

« N’est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d’elle-même ou d’autrui, sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte. » « N’est pas pénalement responsable la personne qui, pour interrompre l’exécution d’un crime ou d’un délit contre un bien, accomplit un acte de défense, autre qu’un homicide volontaire, lorsque cet acte est strictement nécessaire au but poursuivi dès lors que les moyens employés sont proportionnés à la gravité de l’infraction. »

Alors qu’est-ce que ce charabia juridique veut dire concrètement ? Il y a deux sortes de conditions : celles qui s’attachent à l’agression et celles qui s’attachent à la réponse apportée à cette agression.

En ce qui concerne l’agression :

Il faut une atteinte injustifiée, c’est-à-dire illégale. On peut se dire que toute attaque est illégale, mais pas vraiment. En droit, on dit que l’État a le monopole de la violence légitime. C’est-à-dire que si vous ripostez lorsqu’une personne dépositaire de l’autorité de l’État vous attaque, il n’y aura pas automatiquement légitime défense. Dans ce cas-là, il ne faut pas riposter mais porter plainte par la suite pour obtenir réparations. Mais de la part de n’importe quelle autre personne, toute atteinte est supposée illégale. Il faut qu’elle soit actuelle : il faut que vous répondiez à une attaque directement. Il faut que vous soyez dans un état de péril imminent et que sans réponse, vous vous exposiez à un danger. Donc si on vous attaque et que vous revenez ne serait-ce que 10 minutes plus tard, ce n’est plus de la légitime défense.

En ce qui concerne la réponse à l’agression :

Il faut qu’elle soit nécessaire : il faut que la riposte soit la seule solution. Il faut toujours privilégier la fuite si elle est possible.

Il faut qu’elle soit proportionnée : c’est-à-dire qu’il faut que ça soit à « armes égales ». Si vous répondez avec une arme blanche (couteau ou autre) alors que la personne en face a « juste » ses mains, ce n’est pas proportionné. Par exemple, on trouve dans la jurisprudence un cas où un homme avait utilisé une chaise contre son agresseur qui n’avait que ses mains et la légitime défense a été écartée.

Donc si on récapitule : si on vous attaque (tentative de viol, saisie au poignet ou au cou…) et que vous nous ne pouvez pas vous enfuir, que vous répondez directement et via les techniques de self-défense (donc avec vos mains, pieds), vous êtes dans un cas de légitime défense.

Mais qu’est ce que cela implique concrètement ? Cela veut dire que vous serez reconnu irresponsable pénalement et qu’aucune poursuite et donc aucune peine ne pourra être prononcée contre vous.

En plus, la loi prévoit des cas où la légitime défense est présumée, c’est-à-dire que l’on a pas besoin de prouver toutes les conditions citées ci-dessus (à part celle de la proportion) dans son article 122-6 :

Est présumé avoir agi en état de légitime défense celui qui accomplit l’acte :

1° Pour repousser, de nuit, l’entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité. 2° Pour se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence.