
Previously on AMC’s The Walking Dead…
Avant d’être transposée à l’écran en 2010, The Walking Dead est une série de comics publiée depuis 2003 aux États-Unis, scénarisée par Robert Kirkman – également au scénario de la série télévisée – et dessinée par Tony Moore d’abord, Charlie Adlard ensuite. Elle nous raconte les aventures d’un groupe d’individu·es tentant de survivre dans un monde hostile désormais peuplé de mort·es-vivant·es. La série télévisée reprend le même scénario avec quelques variantes par rapport aux comics, et possède également sa propre série dérivée diffusée depuis 2015 (Fear the Walking Dead) se focalisant sur les débuts de l’épidémie ayant transformé une grande majorité de l’humanité en zombies, en suivant un autre groupe de personnages que celui de la série principale ; trois web-séries (Torn Apart, Cold Storage et The Oath) ; quatre jeux vidéos et six romans. Bref, de quoi ravir les aficionad@s de cet univers post-apocalyptique. Seulement voilà, même si nous parlons avec enthousiasme des péripéties de Rick, de la badassitude de Michonne et Maggie, des mauvaises décisions de Carl et des cheveux gras de Daryl, nous n’en restons pas moins alertes quant au contenu qui nous est proposé. La fin du monde ? Certes, mais pas celle du patriarcat.
Au début de la série, alors que le monde est irrémédiablement parti en cacahuète, des humain·es ayant survécu au chaos des premières semaines effectuent des regroupements stratégiques dans le but d’échapper au désordre ambiant et de prolonger leur espérance de vie nettement raccourcie depuis l’apparition des méchant·es zombies affamé·es. À l’intérieur de ces groupes, une dynamique se met dès lors en place afin d’assurer une stabilité aux différent·es membres. Très vite, une répartition genrée des rôles s’installe au sein du campement, dirigé de prime abord par Shane, meilleur ami de Rick, puis par Rick, une fois que celui-ci refait surface : les femmes (Lori, Andrea, Amy, Jaqui, Carol) s’occupent de la préparation des aliments, de la vaisselle, de la lessive et des besoins des enfants ; les hommes (Rick, Shane, Dale, Glenn, Daryl, T-Dog, Jim et Ed) se chargent de la direction et de la défense du camp (ce qui consiste la majorité du temps à bronzer sur le sommet du mini-van, on ne va pas se le cacher) ainsi que de l’approvisionnement en nourriture via des raids ou la chasse.
Andrea, Amy et Carol lavant des vêtements. Ambiance fin du monde.
Les propos de Kirkman à ce sujet sont plutôt édifiants :
« I don’t mean to sound sexist, but as far as women have come over the last 40 years, you don’t really see a lot of women hunters. They’re still in the minority in the military, and there’s not a lot of female construction workers. I hope that’s not taken the wrong way. I think women are as smart, resourceful, and capable in most things as any man could be… but they are generally physically weaker. That’s science. »
« Je ne veux pas avoir l’air sexiste mais, pour autant que les femmes ont progressé ces 40 dernières années, on ne voit pas vraiment de femmes chasseuses. Elles sont toujours minoritaires dans l’armée, et il n’y a beaucoup de femmes dans la construction. J’espère que je ne me fais pas mal comprendre. Je pense que les femmes sont aussi intelligentes, ingénieuses et capables de faire la plupart des choses que font les hommes… mais elles sont physiquement plus faibles. C’est scientifique. »
Alors, mon cher Bobby. Même si nous voyons d’où te vient cette idée, c’est-à-dire de l’observation générale du dimorphisme sexuel humain, nous avons quelques petites choses à redire sur tes propos. Premièrement, scientifiquement, ce dimorphisme sexuel n’est pas tant causé par la biologie que par la différence de traitement entre hommes et femmes (ex : les femmes sont moins incitées à être actives physiquement et à développer leur masse musculaire). Si tu ne nous crois pas sur parole, on t’invite à regarder ce documentaire, Bobby. De deux, si on voit peu de maçonnes ou de commandantes, c’est aussi parce que les hommes empêchent bien souvent les femmes d’être à l’aise lorsqu’elles travaillent dans ces domaines (harcèlement, plafond de verre, etc.). Troisièmement, les femmes sont toutes différentes et s’il y en a quelques-unes plus faibles que certains hommes, il y en a aussi d’autres bien plus fortes physiquement, apocalypse zombie ou pas. Ainsi, cette grossière généralité comme quoi écrire une femme avec une grande force physique n’est pas « crédible scientifiquement »
, c’est non. Surtout dans un comic book qui se déroule lors d’une apocalypse zombie, à propos de laquelle on repassera pour le côté très « crédible scientifiquement ». Mais merci d’avoir essayé d’excuser ton sexisme derrière des pseudo vérités scientifiques.
Dans les premières saisons donc, tenter de renverser ces rôles demeure ardu.
Andréa est très clairement présentée comme le personnage capable de changer l’ordre établi. Avocate avant que le chaos ne se déclare, elle est éduquée, sûre d’elle, critique dès le début la répartition sexiste des tâches et se dresse contre Ed, le mari violent de Carol, lorsque celui-ci les surveille en train de faire la lessive (il ne faudrait pas non plus qu’elles passent un trop bon moment). De plus, elle s’impose rapidement pour pouvoir accomplir les activités jusque-là réservées aux mâââles : elle participe à un raid pour récupérer de la nourriture à Atlanta, part pêcher avec sa sœur, insiste pour pouvoir surveiller le camp, et est également la première femme à vouloir apprendre à tirer. Cependant, ses tentatives d’émancipation sont toujours montrées comme ayant des conséquences négatives : elle veut participer au raid mais se laisse finalement submerger par le stress et n’est donc pas très utile, elle apprend enfin à tirer mais manque de tuer Daryl, elle veut aider ses ami·es à tout prix en faisant l’agente infiltrée mais tombe amoureuse du Gouverneur et n’arrive donc pas à le tuer le moment venu, etc. Ses actes sont également critiqués, par les hommes certes, mais d’autant plus vivement par les femmes. Cette idée erronée que le patriarcat serait avant tout entretenu par les femmes n’est pas une nouveauté dans les œuvres de fiction. L’exemple qui nous vient immédiatement à l’esprit est le dessin animé Rebelle (hé si), à propos duquel nous vous conseillons la lecture de l’article Mater la rousse du Cinéma est politique.
Bref, revenons à nos zombies : Lori en particulier se montre très sévère au sujet d’Andréa, lui faisant de temps à autre des remarques et finissant par lui lâcher lors d’une dispute que les hommes s’en sortent très bien sans elle et qu’au lieu de surveiller le camp, elle devrait plutôt venir aider les autres femmes à faire la lessive car elles ont davantage de travail à cause d’elle (S02 E10). Aucune remarque ne sera évidemment formulée à ce sujet aux hommes, aucun ne se proposera non plus pour aider pour la lessive ou pour cuisiner. Outre ces commentaires sexistes, Andréa demeure constamment infantilisée, son pistolet lui est sans arrêt confisqué par différents représentants de la gente masculine (Rick, Shane, Dale) pour des raisons variées (trop difficile, pas le temps de lui apprendre, pas prête, trop dangereux pour les autres et pour elle), tandis que Carl, le fils de Rick et Lori âgé de 10 ans, peut se balader tranquillement dans le campement avec un flingue chargé. Bien que Lori soit au début contre ce fait, Rick lui dit qu’il est un homme à présent et qu’il doit apprendre à protéger sa famille, ce à quoi elle opine du chef, empaqueté, c’est pesé. Patriarcat, tu te foutrais pas un peu trop de notre gueule là ?
Andréa, en sang, disant qu’elle a essayé.
Et puisque l’on parle de Carl, l’éducation qu’il reçoit de la part de Lori, Shane et Rick est un condensé d’injonctions sexistes. Une fois encore c’est Lori, sa mère, qui est présentée comme la plus virulente à ce sujet. Au début de la saison 1 par exemple, Carl doit apprendre à pêcher avec Shane. Sa mère en profite pour lui glisser « moi je ne sais pas faire ça, c’est une affaire d’hommes »
(S01 E02). Le comportement de Lori change néanmoins légèrement quand Andréa et Amy reviennent victorieuses de leur séance de pêche. En outre, on ne compte plus les remarques d’injonction à la virilité telles que « ne pleure pas, tu dois te comporter en homme »
ou « c’est toi l’homme de la famille [jusqu’au retour de Rick], tu dois protéger ta mère »
. Carl finit par intégrer durablement ces impératifs, quitte à se mettre ou mettre les autres membres du groupe en danger pour (se) prouver qu’il est un « vrai bonhomme » à présent. Cela apparaît nettement lors de la disparition de Sophia, la fille de Carol et la « petite copine » de Carl qu’il doit protéger à tout prix car c’est son rôle, etc. Il est d’ailleurs félicité pour ce comportement par sa mère et Shane, car allons-y, pourquoi ne pas l’envoyer en pleine forêt où les zombies foisonnent alors qu’il sait à peine se servir d’un pistolet, qu’il se remet d’une blessure par balle à la poitrine et que c’est un ENFANT BON SANG DE BOIS.
Carl, 11 ans, jouant tranquillement aux Playmobil.
Carl et Sophia ne sont pas les seul·es enfants du groupe. Au début de la saison 3, Lori met au monde une petite fille, Judith. Compte tenu des conditions d’hygiène atroces et des difficultés lors de l’accouchement, elle décède peu de temps après (voir plus bas). Malgré le fait qu’iels ne formaient plus vraiment un couple depuis plusieurs mois (Trahison, disgrâce), sa mort est un véritable choc pour Rick. Il se replie sur lui-même le temps de faire son deuil, ne s’occupant dès lors pas de sa petite fille. Les différent·es membres du groupe se relayent donc pour subvenir à ses besoins. Bien que l’on voit une fois Daryl lui donner le biberon, ce sont Carol et en particulier Beth qui s’acquittent en grande partie de ce travail. Il est même subtilement indiqué qu’il est « normal » que ce soit Beth, 16 ans, qui s’occupe de Judith car elle a « toujours voulu des enfants ». Une série de commentaires sont également là pour souligner qu’elle semble « naturellement » plus douée que les autres pour s’en occuper (« elle t’aime bien »
, « tu fais ça bien »
, « tu es douée »
, etc.). Beth est la mère de substitution parfaite, tandis que Rick, le père, semble sombrer dans les méandres du déni et de l’apitoiement. Même par la suite, quand il aura recouvré un peu de forces, il ne s’occupe que très peu de sa fille, lui donnant de l’affection de temps à autre, mais la laissant majoritairement sous la garde d’autres personnes, principalement des femmes (Carol, Maggie, Michonne, Tara, Jessie, Olivia). Cet abandon est justifié par ses responsabilités en tant que chef, un schéma classique.
Beth faisant un splendide doigt d’honneur au patriarcat.
En ce qui concerne les dirigeant·es de communauté, la place de leader est souvent laissée à un homme dans les premières saisons. Le groupe d’Atlanta se tourne dès le début vers des figures d’autorité masculines : Shane, adjoint du shérif puis Rick, shérif. Les habitant·es de la ferme se sont groupé·es autour d’Hershel, doyen de la famille. Rick et Hershel reprendront ensuite ensemble le commandement au pénitencier avant la mise en place d’un conseil mixte. Les habitants de Woodbury obéissent à un homme surnommé le Gouverneur, qui deviendra également le chef de deux autres groupes après la chute de la ville. Le Terminus est géré par un individu nommé Gareth, et Abraham, sergent dans l’armée, est à la tête de l’équipe « Eugene va sauver le monde ».
À la saison 5, la tendance se modifie et des femmes apparaissent en tant que cheffes de groupe. Ce changement est à mettre en lien direct avec le fait que ces dernières ont désormais appris à tirer, se battre et tuer, brouillant dès lors les barrières précédemment établies. Le Grady Memorial Hospital est géré par l’officière de police Dawn, mais on apprend cependant qu’elle n’a fait que reprendre le commandement suite à la mort de son chef et elle n’est, de plus, pas du tout respectée dans ce rôle. Elle ne possède qu’une faible autorité sur les autres membres du groupe (en majorité des hommes) qui ne pensent qu’à la trahir et contournent sans arrêt ses ordres. Elle est consciente de ce fait et laisse donc une série d’abus (vols, bagarres, harcèlements sexuels, viols) se produire pour éviter les confrontations.
Deanna Monroe est également la cheffe d’Alexandria avant l’arrivée du groupe de Rick : elle est une excellente dirigeante et était par ailleurs membre du congrès avant le début de l’épidémie. Détectant les qualités de leardership de Maggie, elle met au point une alliance afin qu’elles s’occupent ensemble de la communauté. Elle décède cependant rapidement et est dès lors remplacée par Rick (étonnement, surprise). Maggie fait une percée à la fin de la saison 7 comme cheffe de la Colline, et Jadis (la traîtresse) est à la tête de la décharge. Oceanside est un cas à part. Il s’agit d’une communauté composée d’une soixantaine de femmes et dirigée par la doyenne du groupe, Natania. Cette composition n’est pas volontaire puisque l’on apprend au cours d’un épisode que, suite à une rébellion contre Negan, l’ensemble des hommes et des enfants mâles de plus de 10 ans ont été exécutés en guise de punition. Après ce massacre, elles ont décidé de s’enfuir et de se réfugier sur la plage pour bâtir une communauté secrète, tuant toute personne qui s’approche du campement. Lorsque Rick et son groupe les attaquent pour leur prendre leurs armes, elles refusent de se joindre à elleux pour vaincre Negan, se réfugiant dans la passivité plutôt que dans l’action. But wait and see.
Cela étant, à la fin de la saison 7, les dirigeantes demeurent minoritaires : Rick est toujours le leader d’Alexandria, Gregory vient seulement de perdre sa place en tant que chef de la Colline, le Royaume a à sa tête le « roi » Ezekiel et les Sauveurs obéissent tou·tes à Negan. Dans cette configuration, les femmes sont présentées au mieux comme des soutiens aux chefs (Michonne pour Rick, Carol pour Ezekiel, Maggie pour Gregory un temps), au pire comme des accessoires leur permettant d’affirmer leur pouvoir (les femmes de Negan).
Et puisque nous y sommes, nous allons nous attarder un peu plus sur le cas de Maggie. Son personnage apparaît au début de la saison 2. Elle habite dans une ferme avec son père, sa demi-sœur et des ami·es de la famille. Elle rencontre le groupe de Rick dans des circonstances peu joyeuses, Carl s’étant fait tirer accidentellement dessus par un des habitant·es de la ferme. Âgée de 22 ans, Maggie se révèle vite être un élément important dans le groupe. Elle possède une grande intelligence pratique et émotionnelle, sait rapidement prendre des décisions et se faire obéir, a un mental solide et est également une excellente combattante. Maggie est une leadeuse naturelle mais elle n’aura l’opportunité de s’épanouir dans ce rôle que très tardivement (fin de la saison 7). En effet, au cours des saisons précédentes, Maggie n’est définie que par le lien qu’elle entretient avec un personnage masculin, son père d’abord (fille de), Glenn ensuite (THE couple), et elle n’obtient réellement son indépendance qu’après leurs morts respectives.
Suivant en général les ordres de Rick, elle s’affirme de temps à autre mais n’a en réalité pas confiance en ses capacités et s’efface au profit de Glenn (Trinity Syndrome est-ce toi que nous détectons ?), l’encourageant à embrasser le rôle de chef (S02 E06). Lorsqu’elle endosse finalement le premier rôle dans des situations cruciales et s’épanouit en tant que la leadeuse qu’elle a toujours été, elle n’y parvient pas de sa propre initiative mais est au contraire poussée par d’autres : Deanna à Alexandria, Rick lors des négociations avec Gregory et Jesus à la Colline – elle va même dans le discours final de la saison 7 jusqu’à dire « Glenn made the decision, Rick. I was just following his lead »
(« Glenn a pris la décision, Rick. Je poursuis simplement son œuvre. »
). Société patriarcale quand tu nous tiens.
Maggie, rappelant qu’elle ne s’appelle pas « Marcia », « ma chère » ou « mon petit sucre d’orge » mais « Maggie. Maggie Rhee. » Badass Queen.
Ajout du 24/09/2017 : Cette mise en retrait devient encore plus importante et flagrante lorsqu’elle touche un personnage féminin racisé : Michonne vis-à-vis de Rick et Rosita vis-à-vis d’Abraham. À ce sujet, nous vous conseillons également ce très bon article en anglais portant notamment sur la différence de traitement des personnages de Michonne et Maggie en comparant à la fois la série télévisée et le comics. Dès leur première apparition, Michonne et Rosita sont présentées comme deux personnages féminins forts. Cela étant, malgré d’évidentes compétences physiques et techniques égales voire supérieures à celles de leurs compagnons masculins, elles restent malheureusement cantonnées à un rôle de support et de soutien (émotionnel, physique). Michonne influence les actions de Rick à certains moments et iels formulent même à plusieurs reprises qu’iels prennent les décisions ensemble (saison 7), mais dans les faits Rick demeure le décisionnaire principal et Michonne son exécutante. Quant à Rosita, ce n’est qu’en toute fin de la saison 7, bien après la mort de son ex-amant Abraham, qu’elle prend finalement une initiative. Tout comme dans le cas d’Andréa quelques saisons plus tôt, cette prise de décision est montrée comme ayant une conséquence négative (la mort de Sasha). In fine, malgré leurs qualités manifestes, ces deux personnages racisés demeurent bien moins développés que leurs compagnes d’infortune blanches.
Un point qui sera plus court que les autres mais qui nous travaille néanmoins est le rapport à la saleté et la pilosité. Prenons une minute pour replacer un peu le contexte : fin du monde ; douches généralement hors-service et absence de temps pour les utiliser ; shampoings, savons, dentifrices et déodorants devenant des denrées rares ; sans parler des rasoirs, crèmes dépilatoires, et autres bandes de cire qui ne sont clairement pas des produits de première nécessité. Au cours des différentes saisons, entre deux arrêts temporaires, la joyeuse compagnie passe une bonne partie de son temps sur les routes où il demeure difficile de maintenir une hygiène correcte. Lors de ces escapades bucoliques, un traitement différent de la saleté et de la pilosité est à remarquer. Entre la réserve d’huile de friture contenue dans les cheveux de Daryl, les barbes sauvages et la couche de saleté uniforme présente sur les visages des hommes, et les aisselles lisses, les jambes parfaitement épilées (coucou Rosita avec son short, S04 E10), les cheveux légèrement emmêlés et gras, et le visage sale-mais-pas-trop des femmes, il y a tout un monde.
Peut-être se sont-elles toutes mises d’accord lors des premiers signes de l’épidémie pour effectuer une épilation définitive au laser et se faire des réserves de lingettes nettoyantes et de shampoings secs, comme ça, au cas où, pour rester fraîches en toutes circonstances mais nous en doutons fortement. Nous repasserons aussi sur la « défiguration » de Rosita par Arat au cours de la saison 7 : la cicatrice n’apparaît déjà quasi plus au bout de quelques épisodes. Il est donc intéressant de noter que même dans un contexte d’apocalypse, l’équipe de production (tous des hommes, male gaze en force) ne pense pas à dépeindre les femmes de manière réaliste. Nous visionnons en permanence des cadavres en décomposition et nous avons même eu droit à un focus sur l’orbite cicatrisée de Carl, mais épilez-moi donc cette aisselle, nous risquerions d’en faire des cauchemars.
Rosita, prête à affronter l’apocalypse et plus encore…
Malgré la multitude de dangers imminents, plusieurs de nos rescapé·es préféré·es trouvent encore un peu de temps pour copuler en toute discrétion et, manque de moyens de contraception oblige, cela ne rate pas : grossesse, bonjour. Lori est la première femme du groupe à tomber enceinte. Terrifiée par la situation, elle cherche à avorter très rapidement. Ses raisons sont claires et rationnelles : absence de sécurité à la fois pour elle, pour le bébé à venir et les autres membres du groupe, de nourriture en suffisance, d’hygiène et d’accompagnement médical. Sans en parler à personne, elle demande donc à Glenn de lui rapporter une plaquette de pilules du lendemain lors de son prochain raid. Toute cette histoire pourrait se terminer ainsi (son corps, son choix, pour rappel)… Mais non ! Chacun·e, essentiellement des hommes (la surprise est totale) (non), y va de son petit grain de sel, la faisant culpabiliser avant et après son acte manqué (elle vomit l’ensemble de la plaquette). Elle demeure pourtant horrifiée à la simple idée de devoir mener une grossesse à terme dans de telles conditions, mais tout le monde semble se désintéresser totalement de son opinion, sa mission étant visiblement de repeupler la planète. Son fils de 11 ans doit finalement lui tirer une balle dans la tête après un accouchement qui aura été une vraie boucherie. Elle aura passé ses neuf derniers mois sur Terre abandonnée par son mari qui ne lui parle quasi plus et dans un état de stress constant. Su-per.
Repeupler la planète demeure une idée bien présente dans les saisons suivantes. Elle est notamment évoquée distinctement à plusieurs reprises par deux personnages masculins (Glenn et Abraham). Elle ne semble en revanche pas être la priorité des personnages féminins (Maggie et Sasha) qui partagent à ce sujet les mêmes doutes et craintes que Lori. Elles ne sont pas d’emblée totalement réfractaires à l’idée, mais force est de constater qu’elles n’amènent pas volontairement le sujet sur le tapis et restent davantage réalistes que les deux hommes quant aux implications concrètes d’un tel évènement. Et ces derniers auraient dû écouter leurs arguments un peu plus longuement… Maggie est en effet à l’heure actuelle la seule survivante du quatuor et doit au final gérer sa grossesse, ses complications et l’éducation de leur enfant sans Glenn. They told you so…
Maggie, comblée d’annoncer qu’elle est enceinte.
Au début de la série, Carol n’est pas encore la tueuse de sang-froid que nous connaissons à présent. Avant que l’apocalypse ne se déclenche, Carol était une femme au foyer et s’occupait de sa fille, Sophia. Réservée, craintive et vulnérable, on comprend rapidement qu’elle est sous l’emprise de son mari abusif, Ed. Violent à la fois verbalement et physiquement, Ed contrôle chaque aspect de la vie de Carol. Elle n’est pas libre de ses mouvements, ne peut pas s’habiller comme elle le souhaite (« Ed never let me wear nice things »
: « Ed ne me laissait jamais porter de jolies choses »
confie-t-elle à Lori) et ne peut encore moins rire en compagnie d’autres personnes. Dans le campement, tout le monde est au courant qu’Ed maltraite sa femme et sa fille, mais personne ne fait rien… Jusqu’au jour où il frappe violemment Carol en public après qu’Andréa, Jacqui et Amy aient pris sa défense. « Super Shane » débarque alors de nulle part, déjà passablement énervé pour un tout autre sujet, et tabasse Ed. Ce dernier se fera mordre plus tard dans la nuit par un zombie, fin du game. Il était pourtant bien pratique cet Ed, car, en comparaison, les réflexions et comportements sexistes des autres personnages masculins passent quasiment inaperçus. Shane agresse physiquement et sexuellement Lori quelques épisodes plus tard (S01 E06) mais « ça vaaaa, c’est pas Ed non plus, il souffre d’être mis de côté le pauvre homme, en plus il a sauvé Carol quelques épisodes plus tôt »
.
Une histoire relativement similaire arrive à Jessie. Résidente d’Alexandria avec son mari Pete et ses deux fils, Jessie rencontre le groupe de Rick lors de la saison 5. Tout comme Carol, Jessie et ses enfants sont sous l’emprise d’un mari violent. L’ensemble de la ville est au courant mais Pete étant leur seul médecin, tout le monde ferme les yeux… Jusqu’à l’arrivée de Rick, qui la libère bravement en tuant son mari devant ses yeux et ceux de ses enfants ! Nous ne sommes plus à un traumatisme près après tout.
Dans la série, les (tentatives d’)agressions sexuelles et les viols sont nombreuxes. Elles sont commises en totalité par des hommes : Shane (S01 E06), le Gouverneur (S03 E07), un groupe d’hommes anonymes (S04 E11), l’officier de police Gorman (S05), un homme anonyme (S04 E16), un des hommes de main de Negan (S07 E15), et Negan (S06 et S07). Les victimes sont en majorité des femmes : Lori (S01 E06), Maggie (S03 E07), Michonne (S04 E11), Johanne (S05 E04), Beth (S05), Carl (S04 E16), Sasha (S07 E15), et les femmes de Negan (S06 et S07). Les conséquences de ces actes sur les victimes sont très peu traitées à l’écran, seuls les cas de Maggie et de Johanne semblent avoir été un tant soit peu développés. Dans le cas de Maggie qui a été agressée sexuellement par le Gouverneur au cours de la saison 3, les répercussions de l’agression sont en réalité montrées exclusivement via le point de vue de Glenn : tout le travail d’empathie et de soutien revient en effet finalement à Maggie qui doit le rassurer à plusieurs reprises sur les évènements, ce qui ne lui laisse dès lors aucune place pour communiquer sur son vécu. Quant à Johanne, rescapée ayant logé un temps à l’hôpital Richmond, elle a été violée à plusieurs reprises par l’officier Gorman. Elle tente d’en parler à l’officière Dawn mais finit par se suicider après avoir constaté que personne ne s’intéressait véritablement à ce qu’elle était en train de traverser.
Cela étant, le viol reste majoritairement pointé du doigt par les protagonistes de la série, voire les antagonistes. Dans la série, Negan tue un de ses hommes qui tente de profiter de Sasha, ce qui est ironique de sa part puisqu’il utilise son pouvoir social et psychologique pour avoir plusieurs épouses et coucher avec elles pour qu’elles-mêmes et leur famille puissent avoir une vie correcte au Sanctuaire. Negan est contre le viol dans son sens le plus cliché : avec utilisation de la violence et de la menace physique. Il demande ainsi à ses hommes de s’assurer du consentement des femmes avec qui ils couchent, mais ont-elles vraiment le choix ? (NON)
Répartition sexiste des tâches, prédominance du male gaze, traitement superficiel des agressions sexuelles et des viols, nous venons de vous dresser un tableau plutôt sombre de la série de zombies du moment. Elle mérite néanmoins un visionnage, ne serait-ce que pour l’esthétique post-apocalyptique, la complexité et le développement de ses personnages principaux, et le passage haut la main des tests de Bechdel, Sexy Lamp et Mako Mori (ce qui n’est pas toujours gage de qualité, on vous l’accorde).