
La démarche « zéro déchet » relève d’une démarche écologique, voire minimaliste, où – entre autres - l’on réévalue ses besoins, on évite le gaspillage et les emballages etc. C’est également connoté « bobo » par ses détracteurices puisque cela implique très souvent de faire ses courses dans les magasins bio, auprès des AMAP (associations pour le maintien d’une agriculture paysanne), d’avoir du temps pour cuisiner et pour préparer des produits ménagers maison.
Je ne m’appesantirai pas sur la pollution que produit notre mode de vie : que d’emballages, de déchets, bref du gaspillage à n’en plus finir. Non, l’écologie n’est pas une question de bobo (et Paprika vous le démontre parfaitement ici). Notre mode de vie, cette (sur)consommation dans laquelle nous baignons quotidiennement, produit de la souffrance humaine (industrie de la fast fashion, maladies des agriculteurs, les conditions de travail chez Amazon…) et de la souffrance animale (autant pour l’agroalimentaire que pour le textile). Nous avons créé un septième continent. Aucune fierté à avoir : il est fait de plastique et constitue un grave danger pour les écosystèmes. Je ne peux pas m’empêcher d’y penser quand je vois un gommage à microbilles ou un vêtement en fibres synthétiques plus doux que la peau d’un bébé (grâce à du plastique qui finira par partir dans l’eau de la machine à laver).
Derrière le mot « recyclage » se cachent en vérité deux réalités : décycler, c’est-à-dire recycler en quelque chose de non recyclable (la grande majorité de notre recyclage actuel) et upcycler/surcycler : garder l’aspect recyclable de l’objet malgré ses transformations. Toutes les matières ne se prêtent pas à cette dernière option : il est donc essentiel de réduire sa poubelle principale, mais aussi celle dédiée au recyclage, puisque une bonne partie part in fine à la décharge. Par exemple : préférer le verre (qui se recycle à l’infini) au plastique (tous les plastiques ne se recyclent pas, d’ailleurs). C’est aussi se protéger du marketing au sens général (c’est-à-dire la création de désirs et d’envies aussi superflu·es que passager·es). Il faut apprendre à « déconsommer », autrement dit à consommer autrement, en mieux.
Family Shop à Bordeaux – épicerie proposant du vrac.
Le zéro déchet, c’était loin d’être l’évidence pour moi ; au chômage depuis quelques mois, et en quête d’économies pour réussir à finir le mois sans découvert tout en essayant de manger correctement. Quand j’étais étudiante, ma famille me faisait bénéficier des récoltes du jardin ; je n’ai donc jamais eu l’impression d’être privée de quoi que ce soit, tout en ayant de très bons produits pour presque rien du tout (en échange de quelques heures de travail dans le jardin et à faire des conserves). Puis je suis partie vivre à l’étranger grâce à une mobilité étudiante et j’ai découvert ce que c’est réellement d’être pauvre dans un pays riche. Pour tenir mon budget, j’ai fait la chasse à toutes les dépenses « inutiles », j’ai supprimé la viande de mon alimentation (parce que c’est cher), et je prenais en général les produits les moins chers possible en me limitant à l’indispensable (bonjour malbouffe et trucs chimiques affreux), tout en optant pour le format « famille » (généralement le moins cher au poids). L’écologie ne faisait pas du tout partie de l’équation. Avec mes premiers salaires, je me suis fait un peu plaisir et j’ai pu prendre des produits de meilleure qualité. Mais la galère a recommencé avec la fin de mon contrat (chômage). Avec un budget très serré, j’ai essayé de trouver une alternative qui me permette à la fois de vivre et manger correctement et d’être en accord en accord avec mes convictions. C’est à ce titre que je me suis intéressée au zéro déchet, notamment via la salade à tout.
La transition ne se fait pas du jour au lendemain (le zéro déchet étant un idéal, un « guide de vie »). Vivre « zéro déchet » ne doit pas être vécu comme une nouvelle injonction : on vit assez dans la culpabilité pour ne pas en rajouter. Nous, particulier·es, ne sommes pas les seul·es responsables de la pollution (contrairement à ce que l’on pourrait croire en écoutant les discours politiques) et les grosses entreprises polluantes sont devenues maîtresses dans l’art du greenwashing et de la culpabilisation écologique (comment pouvons-nous encore croire que Total est un acteur de l’écologie mondiale ?)
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Simplement, en choisissant ce mode de vie, j’ai pu me détacher (en partie) du matériel pour me concentrer sur moi, ménager mes finances et améliorer ma qualité de vie. Cela peut quand même être vécu comme un grand chamboulement. Il s’agit de ne pas s’épuiser et se dégoûter de la démarche ; il vaut mieux par exemple se fixer un petit défi chaque semaine ou identifier ce qui est simple à modifier. On ne change pas des années d’un certain mode de consommation en un jour ou en une semaine ! L’objet de cet article est de donner des pistes pour se mettre au zéro déchet. Toutes les solutions proposées ne sont pas forcément possibles selon votre situation personnelle. Il n’y pas une seule démarche possible. Certain·es trouveront peut-être mes propositions extrêmes (j’ai quasiment arrêté d’acheter des produits alimentaires manufacturés, ou des produits dans des emballages non recyclables), d’autres pas assez (je ne suis pas végane et je dois utiliser la voiture de temps à autre). Il existe tout un tas d’obstacles, rationnels ou non, à la mise en pratique du zéro déchet. Il ne faut pas se décourager ; certains changements paraissent insurmontables au début ; je suis aujourd’hui moi-même étonnée de voir que c’est souvent beaucoup plus facile que je ne l’aurais cru.
Une personne tatouée étend ses essuie-tout lavables, cotons démaquillants, serviettes périodiques lavables.
Pour commencer, j’ai regardé mes poubelles. Premier constat : la majorité d’entre elles (décharge et recyclage) contiennent des emballages. C’est une évidence qui pourtant ne m’avait pas sauté aux yeux ! La famille presque zéro déchet, mine d’or d’informations sur le sujet, met bien en évidence mes contradictions en la matière. Deuxième constat : il existe énormément de solutions alternatives, éco-responsables et peu onéreuses ! Par conséquent, j’ai passé mon appartement « au tri » et j’ai cherché des alternatives durables (produits multi-usages, sans emballage, etc).
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Bicarbonate de soude, lessive et nettoyant disponibles en vrac – Family Shop à Bordeaux.
Pratiquer le zéro déchet, c’est aussi et surtout faire face à des dilemmes pour lesquels il n’existe pas forcément de bonnes solutions : bio ou locavore ? Doudoune neuve en fibre synthétique ou d’occasion en duvet ? Couches bio jetables ou lavables ou hygiène naturelle infantile ? Cup, serviette lavable ou protection classique ? Pour ma mère qui a connu les langes et les vieilles serviettes hygiéniques à laver, il lui est très difficile de revenir sur les protections jetables, car l’avènement du jetable dans ces domaines a été pour elle (et les femmes de ma famille) une libération (partielle) des tâches ménagères. Ainsi, il y a beaucoup de conséquences du mode de vie zéro déchet qui nécessitent un réel partage des tâches ménagères entre les membres d’un même foyer (le zéro déchet ne doit pas être un « prétexte » pour renvoyer les femmes aux cuisines et au ménage – même si les chiffres montrent qu’on n’en est malheureusement même pas encore sorties…) De même, les troubles du comportement alimentaire peuvent limiter certains aspects de la démarche zéro déchet ; pas besoin de culpabiliser, chacun·e fait comme iel peut. Il s’agit ainsi de faire des arbitrages. En dépensant moins pour les produits manufacturés, la viande et les produits laitiers, j’ai pu augmenter mon budget nourriture afin d’acheter le combo bio + local, mais ce n’est pas toujours possible (auquel cas je préfère acheter local – ça fera des pelures dans ma poubelle). Quand j’ai eu des problèmes de dos, j’ai préféré me faire livrer mes courses (dont beaucoup d’emballages) plutôt que de dépendre de mes ami·es. À chacun·e sa manière de faire : le (presque) zéro déchet est un idéal, pas une nouvelle injonction à tout réussir.
Légumes sans emballage sur un marché.
Béa Johnson, qui s’est fait connaître en écrivant le best-seller Zéro déchet – 100 astuces pour alléger sa vie est une Française vivant aux États-Unis ; elle avait adopté un mode de vie digne de Desperate Housewives : grosse maison, gros 4x4, énorme poubelle de 240 litres… Jusqu’au jour où tout a changé grâce à un déménagement qui lui fait repenser son mode de vie. Si son livre relève d’une forme de storytelling très américain, il n’en demeure pas moins intéressant. Pour commencer une transition zéro déchet, voici les « cinq règles » de Béa Johnson (inspirées de la théorie des 3R – réduire, réutiliser, recycler), à suivre de préférence dans l’ordre, pour réduire notre impact environnemental.
Comment ne pas produire de déchets ? En refusant qu’ils passent le pas de la porte ! Il ne s’agit pas seulement des biens achetés mais surtout de tout ce que l’on peut nous donner. Ai-je vraiment besoin du reçu, du ticket de caisse ? Pourquoi prendre encore et toujours les échantillons de produits cosmétiques dans les hôtels alors que j’ai déjà tout ce qu’il faut, que ce n’est pas safe niveau composition et qu’ils vont s’entasser dans mon armoire ? Les journaux « gratuits » en entrant dans le métro ? Les échantillons distribués dans la rue ? Le sac qui va avec les médicaments ?
Bicarbonate de sodium et vinaigre blanc.
Quelque soit la matière du sac : plastique, oxo-oxydable, biosourcé (amidon + plastique), ou en papier : c’est toujours un poison pour l’environnement. Oxo-oxydable, il se décompose en microgranules de plastique : la pollution est toujours là, et c’est une vraie catastrophe pour la faune marine. Fabriqué à base d’amidon : des terres arables sont utilisées pour sa fabrication alors qu’elles pourraient être consacrées à l’alimentation humaine ou laissées en jachères. En papier, ce sont des forêts que l’on coupe. La « chimie verte » ne peut pas remplacer systématiquement le pétrole ; à nous de changer nos habitudes pour en finir avec les agressions de déchets partout et faire bouger les lignes.
En faisant le tri sur mon bureau, j’ai compté pas moins de 6 stylos « donnés » (alors que mes pots à crayon débordent de partout), un nombre très important de tickets de caisse (« pour faire ma compta quand j’aurai le temps »), des badges… Dans ma cuisine, alors même que je pensais faire attention, il m’arrive encore de jeter des produits ayant très largement dépassé leur date limite de consommation. Depuis que je suis passée au vrac, j’ai considérablement réduit le volume de ma poubelle. Mon appartement ne s’est pas transformé en vitrine Pinterest, c’est encore souvent le bazar pour trouver la bonne organisation de la place ; j’achète encore des boîtes de conserves (même si je préfère acheter un contenant en verre), car je n’ai pas toujours le temps de cuisiner. Et ma poubelle du mois ne tient pas encore en un bocal (la faute aux épluchures notamment).
Quand je retourne dans un supermarché lambda, je suis heurtée par une évidence : du plastique à perte de vue, encore et encore. Le contenant guide du coup mon choix de contenu (il est encore difficile d’apporter ses propres contenants dans les grandes surfaces – c’est en revanche beaucoup plus facile au marché). Ainsi, il faut essayer de bannir de nos habitudes de consommation les articles en plastique à usage unique (bouteilles = acheter une gourde en inox ou utiliser une bouteille en verre avec un capuchon type bouteille de limonade), les cadeaux « gratuits » ou « goodies » (qui ne le sont pas – vous le payez d’une manière ou d’une autre), les publicités (tolérance zéro ! Il faut être proactife et se désabonner), et tout ce qui est superflu (reçus, emballages de produits alimentaires non nécessaires, etc.) et refuser autant que possible les contenants non recyclables.
Au début, ce n’est pas la partie la plus facile. Refuser, dire non, peut être socialement compliqué, a fortiori lorsqu’on nous offre des cadeaux dont nous n’avons pas besoin. C’est pour cela qu’il ne faut pas hésiter à parler autour de soi de sa démarche.
De quoi ai-je réellement besoin ? Cela passe par une remise en question quasi systématique de tout ce qui est présent sur notre lieu de vie et de travail. Cette étape m’a conduite à faire un grand tri dans ma penderie (j’ai donné ensuite à Emmaüs), à vider les placards de ma cuisine (j’ai pu constater quels aliments ou ustensiles restaient indéfiniment sur les étagères), à reconsidérer le bazar dans mes tiroirs de salle de bain. Désencombrer permet de réduire ses achats : on n’achète que ce dont on a vraiment besoin.
J’en ai profité aussi pour faire le ménage dans ma boîte mail afin de ne pas être tentée :
Réduire n’est pas toujours possible. Valide et ayant du temps (chômage !), je peux me déplacer entièrement à pied, en transports en commun ou à vélo dans ma ville pour faire mes courses. A contrario, mes parents étant à la campagne, il ne leur est pas possible de supprimer la voiture. Mais afin de limiter leur impact, iels réfléchissent à leur itinéraire pour l’optimiser.
Réutiliser n’est pas recycler. Or, nous avons tendance à les confondre. Réutiliser, c’est garder la forme manufacturée de départ, alors que le recyclage implique une transformation du produit (très souvent en un produit non recyclable). Réutiliser, c’est aussi s’inscrire dans une économie circulaire : je donne ce que je ne peux pas réparer moi-même ; je prête ou loue ce dont je n’ai besoin que périodiquement. Ainsi, je ne consomme pas de nouvelles ressources, j’évite un encombrement inutile. De mon côté, je réutilise mes sacs à courses, mes contenants (kraft, tissu – ce dernier est plus durable et plus solide, ou verre) ; je n’ai plus de vaisselle jetable (j’ai abandonné l’idée du café take away sur un coup de tête et des dosettes de George Clooney ; je repense avec honte à mon dernier sapin de Noël fait en gobelets plastiques ; j’ai mes propres couverts et assiettes au travail que je lave une fois mon repas fini) ; j’évite au maximum l’essuie-tout et je lui préfère les torchons (même si cela mérite d’être amélioré) ; je n’ai pas encore réussi à supprimer les mouchoirs en papier pour les remplacer par des mouchoirs en tissu ; je garde mes bouteilles à limonade en verre pour les recharger de liquides en vrac à l’épicerie, au marché ou au magasin bio.
Quand j’ai besoin de petit électroménager, je regarde sur les sites de petites annonces. J’ai des parents super bricoleureuses qui m’ont appris à réparer à peu près tout par moi-même ; il existe également des associations qui réparent ou apprennent à réparer, ce n’est clairement pas du temps perdu ! Réutiliser, c’est aussi faire des ponts entre un outil et plusieurs utilisations : j’ai remplacé les produits ménagers dangereux pour la planète (et pour moi-même par conséquent) par du vinaigre blanc et du bicarbonate de soude (et ça ne coûte quasiment rien) ; je limite mes produits cosmétiques au maximum (gel douche et shampoing que j’ai rechargé en vrac avant de passer à un savon solide acheté sans emballage ; utilisation d’huiles et de marc de café en provenance de la cuisine pour les gommages).
Moi qui adore faire la cuisine, j’ai longtemps voulu avoir un de ces super robots comme on voit dans les vidéos de cuisine ; sauf que cela coûte affreusement cher et que je n’ai jamais eu le budget pour cela. On m’a donné une machine à pain qui était remisée au fond d’un placard (sur le moment, je me suis dit pourquoi pas, mais je n’avais pas entrevu toutes les possibilités permises) et bingo : elle me sert aujourd’hui à faire du pain (logique), des confitures (version fainéante), ou à pétrir ce que je veux pendant que je bouquine.
Graines de lin achetées en vrac, stockées dans un bocal en verre.
S’inscrire dans une démarche zéro déchet, ce n’est pas recycler plus, c’est au contraire moins recycler, puisque les déchets qui entrent à la maison auront été réduits au préalable. Ce qui est dans mon bac recyclage ne sera pas forcément recyclé. Beaucoup de variables (complexes) empêchent le recyclage d’être réellement efficace (tous les plastiques ne se recyclent pas ; chaque commune peut avoir sa propre politique en la matière…) Il faut par conséquent éviter d’avoir à recycler, et s’il le faut vraiment, préférer le verre, l’acier et l’aluminium, qui sont recyclables à l’infini. Les autres matières ne peuvent être que décyclées.
Transformer les déchets organiques en compost est une étape que je n’ai pas encore franchie. Vivre à la campagne offre généralement la possibilité d’avoir un composteur au fond du jardin, voire quelques poules vivant paisiblement (les cocottes de mes parents sont choyées, vivent en liberté la journée, sont enfermées la nuit pour les protéger des prédateurs et meurent de vieillesse) ; ce combo permet à mes parents de n’avoir à vider qu’une poubelle de 30 litres par semaine depuis 25 ans, alors même qu’iels ne sont pas forcément dans une logique zéro déchet. Composter les matières organiques permet :
De plus en plus de villes se mettent au compostage. J’habite en appartement sans local possible pour un compostage collectif, sans balcon ; ma seule solution est le lombricomposteur d’appartement. Plusieurs systèmes existent sur le marché ; certains sont en plastique, d’autres en bois ; tous très chers, malheureusement. C’est une étape qui attendra encore un peu. En attendant, pour éviter d’avoir à composter, j’ai revu une partie de mes habitudes de cuisine : en achetant bio (ou mieux, en piquant dans le jardin de mes parents), je n’ai plus besoin d’éplucher beaucoup de fruits et légumes, et je me renseigne sur la réutilisation des pelures en tout genre (je fais de la compote avec des peaux de bananes, des chips avec les pelures de pomme, du parfum d’intérieur avec des citrons…).